Le nouveau patron de Via Rail aimerait un droit de passage pour les passagers

MONTRÉAL — Le gouvernement fédéral devrait accorder aux trains de Via Rail un droit de passage officiel sur les voies ferrées en priorité par rapport aux trains de marchandises, estime le chef de la direction de Via Rail, Mario Péloquin. 

Dans une entrevue, le chef de la direction de la société d’État a fait valoir que la mesure réduirait les perturbations de voyage causées par les deux principaux chemins de fer de marchandises du Canada – dont les voies sont empruntées par les trains de Via Rail – et améliorerait considérablement les performances des trains de voyageurs, périodiquement en retard. 

Cela alignerait également le Canada sur la réglementation des États-Unis, où les voitures de passagers d’Amtrak ont la priorité.

Idéalement, cette mesure irait de pair avec une charte des droits des passagers comparable à celle actuellement en vigueur pour les voyageurs aériens, afin de garantir que les clients reçoivent une indemnité pour les longs retards, a poursuivi M. Péloquin. 

«Maintenant, nous n’avons ni classe ni priorité. Il a été question de mettre en place des règles donnant la priorité aux trains de passagers. J’adorerais cela, avec une déclaration des droits des passagers similaire à celle que nous voyons dans l’industrie aérienne, aussi imparfaite puisse-t-elle être», a estimé M. Péloquin, qui a accédé à la tête de Via Rail en juin. 

«Tout ce que nous pouvons nous engager à faire à l’heure actuelle, sans ces règles, c’est d’amener les gens là où ils veulent aller, éventuellement.» 

Si l’interruption d’un voyage de Via Rail était attribuable soit à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, soit à Canadien Pacifique Kansas City, ce seraient elles qui paieraient, ce qui encouragerait davantage le bon fonctionnement le long de la ligne, a-t-il estimé. 

La Charte des droits des passagers aériens, déployée en 2019, prévoit des sanctions pour les compagnies aériennes qui enfreignent les règles, notamment une indemnisation pour la perte de bagages et les retards ou annulations de voyage – pour des maximums de 2300 $ et 1000 $, respectivement. 

La réglementation fait actuellement l’objet d’une refonte visant à donner suite aux critiques concernant certaines échappatoires qui permettent aux compagnies aériennes d’éviter toute indemnisation et à la montée en flèche des plaintes des clients auprès du régulateur. 

Au cours du trimestre terminé le 30 juin, Via Rail n’a vu que 62 % de ses trains arriver à l’heure, ce qui représente malgré tout une amélioration, puisque cette proportion avait été de 53 % un an plus tôt. 

L’ancien ministre des Transports, Omar Alghabra, a indiqué aux médias cet été qu’il étudiait des mesures visant à améliorer l’expérience des voyageurs dans le contexte des performances fragiles de Via Rail, notamment par l’entremise d’une déclaration des droits. 

Mais tous les acteurs du secteur ferroviaire ne sont pas d’accord. 

Le président de l’Association canadienne de gestion du fret, John Corey, a estimé que donner à Via Rail la priorité sur le CN et le CPKC exercerait une pression sur une chaîne d’approvisionnement déjà tendue, tout comme le ferait une charte des droits. 

«Donner la priorité au service ferroviaire de passagers plutôt qu’au service ferroviaire de marchandises serait le monde à l’envers. Les chemins de fer de marchandises, leurs clients et les Canadiens en général subventionneraient les quelques personnes qui utilisent le système ferroviaire de passagers», a fait valoir M. Corey. 

«Actuellement, le service ferroviaire de marchandises au Canada n’est pas optimal du point de vue des expéditeurs (…) Toute initiative qui rendrait le service ferroviaire de marchandises moins efficace ne serait pas soutenue par (l’Association canadienne de gestion du fret).» 

M. Corey a ajouté qu’il pouvait sympathiser avec les voyageurs: «J’ai déjà pris Via Rail et je me suis retrouvé à attendre sur une voie d’évitement en attendant le passage d’un train de marchandises.»