Le NPD veut convoquer le PDG de Suncor pour expliquer le virage de la pétrolière

OTTAWA — Le député néo-démocrate Charlie Angus demandera au Comité permanent des ressources naturelles des Communes de convoquer le président-directeur général du géant des sables bitumineux Suncor à la reprise des travaux en Chambre, la semaine prochaine.

M. Angus estime que Rich Kruger a beaucoup d’explications à donner à la suite de ses remarques aux investisseurs lors d’une conférence téléphonique tenue il y a un mois.

M. Kruger, qui a pris la direction de Suncor en avril, déclarait le 15 août que l’entreprise accordait une attention «disproportionnée» à la transition énergétique à long terme vers des combustibles renouvelables et à faibles émissions.

Il expliquait aux investisseurs que l’entreprise devait revoir ses orientations stratégiques pour se concentrer sur les bonnes affaires immédiates dans les sables bitumineux.

L’année dernière, avant que M. Kruger ne prenne la direction de Suncor, l’entreprise avait déjà vendu ses actifs dans les énergies solaire et éolienne, et avait accru ses actifs dans les combustibles fossiles en achetant une nouvelle mine de sables bitumineux.

M. Angus, qui est porte-parole néo-démocrate en matière de ressources naturelles, a qualifié les commentaires de M. Kruger de «choquants» et d’«irresponsables».

«Des milliers de personnes ont été évacuées, des millions d’hectares de forêt ont été détruits, de grandes parties de l’Amérique du Nord ont été recouvertes de fumée toxique, et alors que tout le monde parlait de l’urgence de résoudre ce problème, M. Kruger déclarait que la seule urgence qu’il voyait, c’était de gagner le plus d’argent possible», a expliqué M. Angus en entrevue avec La Presse Canadienne lundi.

«Assumer ses responsabilités»

Le député ontarien de Timmins—Baie James estime que M. Kruger doit venir expliquer pourquoi de grands dirigeants «refusent d’assumer leurs responsabilités, ou même de jouer un rôle qui puisse rassurer les Canadiens sur le fait qu’ils ont à cœur nos meilleurs intérêts — ou l’un de nos intérêts».

M. Angus devra d’abord inscrire la motion à l’ordre du jour du Comité permanent des ressources naturelles, qui n’a pas encore fixé de date pour sa prochaine réunion. Le député, qui est membre du comité, aura alors besoin du soutien d’au moins cinq autres membres pour que la motion soit adoptée. Outre M. Angus, le comité compte six membres libéraux, quatre conservateurs et un bloquiste. 

Julie Dabrusin, membre libérale du comité, a déclaré qu’elle devait discuter de la motion avec ses collègues avant de décider de l’appuyer, mais elle estime que les entreprises doivent montrer comment elles feront de la lutte contre les changements climatiques une priorité.

«Les PDG des plus grands émetteurs du Canada doivent clairement expliquer à quel point les changements climatiques sont une priorité économique et environnementale, et expliquer clairement aux Canadiens les efforts qu’ils déploient pour décarboner et atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés», a-t-elle indiqué dans une déclaration écrite.

Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, ne siège pas au sein du comité, mais il a déjà critiqué publiquement les propos de M. Kruger.

En entrevue avec La Presse Canadienne lors de la retraite du cabinet libéral, le mois dernier à Charlottetown, M. Guilbeault estimait que le retrait d’une entreprise de sables bitumineux des investissements dans les «énergies propres» illustrait de manière éclatante pourquoi le gouvernement devait réglementer les émissions de cette industrie.

«Si j’étais déjà convaincu qu’il fallait réglementer, je le suis encore plus maintenant», disait-il le 22 août, une semaine après les propos de M. Kruger.

Des plafonds prévus bientôt

Le ministre Guilbeault doit publier plus tard cet automne un projet de règlement qui imposera à l’industrie pétrolière et gazière un plafond sur ses émissions de gaz à effet de serre, plafond qui sera abaissé graduellement au fil du temps. Les entreprises qui dépasseraient ce plafond s’exposeraient à des sanctions financières, comme l’obligation d’acheter des «crédits carbone» à d’autres entreprises qui auraient réduit leurs émissions en dessous du plafond.

Le gouvernement n’a pas encore précisé où sera fixé ce plafond, mais le plan fédéral vise une baisse d’environ 40 % des émissions provenant de la production pétrolière et gazière d’ici 2030.

L’«Alliance nouvelles voies», un consortium d’entreprises de sables bitumineux qui collaborent pour se doter d’une technologie de captage et de stockage du carbone, estime que cette cible fédérale est irréaliste.

Le pétrole et le gaz ont contribué à 28 % des émissions totales du Canada en 2021, et les sables bitumineux en représentent à eux seuls près de la moitié, soit 13 %.

Suncor a contribué à hauteur de 2,5 % au bilan national. Les émissions de Suncor en 2021 étaient 50 % plus élevées qu’elles ne l’étaient 10 ans plus tôt, alors que les émissions totales du Canada ont diminué de 6 % depuis 10 ans.

Suncor fait partie de l’«Alliance nouvelles voies» et M. Kruger a déclaré que Suncor demeure engagée dans ce projet de captage du carbone.