Les avocats des organisateurs du «convoi» présentent un discours de Brian Peckford

OTTAWA — L’avocate de l’un des principaux organisateurs du «convoi de la liberté» a contesté jeudi le sens à donner à un cri de ralliement largement utilisé par des participants aux derniers jours de la manifestation à Ottawa.

L’expression «Hold the line», que l’ont pourrait traduire en français par «serrez les rangs» ou «tenez bon», a été fréquemment entendue dans les rues d’Ottawa en février 2022. Le cri de ralliement a aussi été entendu à plusieurs reprises cette semaine au procès, alors que la Couronne a diffusé en preuve des vidéos de la manifestation publiées à l’époque sur les réseaux sociaux.

Beaucoup de ces vidéos mettaient en vedette Chris Barber et sa coaccusée, Tamara Lich, qui font tous deux face à des accusations criminelles pour leur rôle dans la manifestation d’Ottawa.

Dans la déclaration liminaire de la Couronne, la semaine dernière, le procureur Tim Radcliffe soutenait que les deux organisateurs n’avaient pas simplement «tenu bon»: ils avaient «franchi la ligne» de la criminalité en encourageant les manifestants à rester à Ottawa alors que la police leur ordonnait de partir.

L’avocate de M. Barber, Diane Magas, a soutenu jeudi à l’extérieur de la salle d’audience qu’on pouvait interpréter de diverses façons l’expression «Hold the line». Elle n’a pas encore fait valoir cet argument officiellement devant le tribunal et ne devrait pas le faire avant la fin du procès.

L’équipe de défense de M. Barber a présenté jeudi au tribunal une vidéo TikTok de l’ex-premier ministre de Terre-Neuve Brian Peckford, qui a également utilisé l’expression «Hold the line» lors de la manifestation.

M. Peckford est le seul premier ministre provincial vivant à avoir participé à l’entente visant le rapatriement de la Constitution — et l’inclusion d’une charte des droits et libertés —, en 1980.

«Nous allons déterminer l’avenir de notre pays afin que chaque personne qui vit dans ce pays jouisse des droits et libertés individuels non seulement qu’elle mérite, mais qu’elle possède en vertu de la Charte», déclare en anglais M. Peckford dans la vidéo publiée le 14 février 2022. «Hold the line!», poursuit-il. 

La vidéo a été publiée le jour même où le premier ministre Justin Trudeau déclarait l’état d’urgence en matière d’ordre public, ce qui accordait des pouvoirs exceptionnels à la police, aux institutions financières et aux gouvernements.

La défense soutiendra que le «Hold the line» de M. Peckford ne suggérait rien d’illégal, a déclaré Me Magas. «Nous allons faire valoir que pour l’ancien premier ministre, il y a des présomptions de manifestation légale derrière ces mots.»

La défense a également montré au tribunal une vidéo d’un discours prononcé par M. Peckford, lors de la manifestation, sur la sauvegarde des droits et libertés des Canadiens. L’ex-premier ministre prenait la parole sur une estrade érigée par les manifestants rue Wellington, devant la colline du Parlement — une démarche qui, selon Me Magas, confère une légitimité à la manifestation.

L’avocat Keith Wilson

M. Peckford n’a pas été le seul à offrir ses conseils et son soutien à la manifestation dans des vidéos visionnées jeudi au procès.

On a ainsi vu l’avocat Keith Wilson, qui représentait Mme Lich, M. Barber et d’autres importants organisateurs pendant la manifestation. On l’entend encourager davantage de manifestants à venir à Ottawa en réponse au recours à la Loi sur les mesures d’urgence.

Dans une vidéo publiée le 15 février, Me Wilson déclare qu’il semble que la police s’apprête à recourir à la violence contre les manifestants, et déclare qu’une façon de l’empêcher est de faire en sorte que les Canadiens préoccupés «viennent à Ottawa dès que possible».

Lors du contre-interrogatoire de la sergente Joanne Pilotte, qui a compilé les vidéos de la manifestation publiées sur les réseaux sociaux, la défense a présenté un aspect plus pacifique.

Dans plusieurs vidéos, on voit M. Barber appeler à un comportement pacifique, parler du caractère convivial de la foule et remercier la police d’assurer la sécurité publique. Les vidéos avaient été initialement publiées sur le compte TikTok de M. Barber et sur la page Facebook «Freedom Convoy 2022».

Les vidéos diffusées jeudi contrastaient avec celles présentées en preuve cette semaine par la Couronne, qui tente de démontrer que les coaccusés ont exercé une influence et un contrôle sur une manifestation qui n’était pas pacifique.

Certaines des vidéos présentées jeudi faisaient déjà partie de la compilation préparée par la sergente Pilotte, mais plusieurs autres présentées par la défense n’avaient pas été téléchargées par la police dans le cadre de son enquête.

La sergente Pilotte a expliqué au tribunal qu’elle n’avait pas choisi elle-même les vidéos a télécharger: c’est un enquêteur de la police d’Ottawa qui lui a demandé de télécharger certaines vidéos.