Les impacts sur la santé du déploiement de parcs éoliens au Québec

MONTRÉAL — L’énergie éolienne est une forme d’énergie renouvelable qui émet de faibles émissions de gaz à effet de serre. Malgré ses atouts environnementaux, le Québec doit être vigilant dans le déploiement de parcs éoliens puisque cela n’est pas sans risque sur la santé des citoyens. 

Selon le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, les projets éoliens permettront au Québec de disposer de quantités appréciables d’électricité, dans un délai relativement court et à des coûts concurrentiels. 

Le gouvernement caquiste a d’ailleurs ressuscité le projet de parc éolien Apuiat sur la Côte-Nord. En février, le premier ministre François  Legault affirmait que l’éolien est appelé à devenir «hyper compétitif», même moins cher que l’hydro-électricité. 

Or, une récente mise à jour de l’Institut national de santé publique du Québec (INPSQ) sur les connaissances de l’éolien et ses impacts sur la santé met en garde sur la façon d’implanter des projets sur le territoire. 

Les résultats de l’analyse ne permettent pas d’identifier une distance qui serait sécuritaire entre les éoliennes et les résidences, indique Emmanuelle Bouchard-Bastien, conseillère scientifique spécialisée à l’INSPQ et co-autrice du rapport. «C’est un chiffre magique qui est souhaité par plusieurs instigateurs de projets, dit-elle. On parle plutôt d’une distance qui serait socialement acceptable et qui doit être co-construite avec les différentes parties prenantes du milieu.»

Autrement dit, il y a des personnes qui vont vivre très près d’une éolienne et qui seront dérangées tandis qu’un voisin immédiat ne le sera pas du tout. «Ça veut dire que ce n’est pas juste une notion de proximité qui explique le dérangement, il y a beaucoup d’autres facteurs sociaux, psychologiques, des facteurs en lien avec l’environnement», explique Mme Bouchard-Bastien. 

Le principal effet des éoliennes sur la santé est la nuisance à la qualité de vie. «Quand on parle de dérangement ou de nuisance —on utilise les deux termes— c’est vraiment associé à des perturbations répétées d’une activité qui va générer une réponse négative chez un individu au plan émotionnel ou au plan cognitif. Ça peut aussi amener des modifications des habitudes de vie, donc ça bouleverse un peu le quotidien», décrit Mme Bouchard-Bastien. 

Le niveau d’exposition au bruit des éoliennes a été identifié comme un facteur de «fort dérangement». Le rapport soulève que la valeur recommandée par l’Organisation mondiale de la santé est de 45 décibels pondérés A (dBA) Lden. «On se rend compte qu’avec cette limite, il y a effectivement 10 % de la population qui serait fortement dérangée», indique Mme Bouchard-Bastien. 

Concernant l’association entre l’exposition au bruit des éoliennes et les perturbations du sommeil, les effets cardiovasculaires ou les issues défavorables de la grossesse, les preuves sont plutôt limitées. 

Anxiété, dépression et sentiment d’injustice

Il existe différents impacts psychologiques qui se manifestent dès l’annonce du projet, selon le rapport. 

«Dans la littérature, on a repéré plusieurs cas où il y avait des manifestations de stress, d’anxiété, de dépression, de la tristesse, des sentiments d’injustice, de perte de confiance ou d’impuissance, indique Mme Bouchard-Bastien. Généralement, ces manifestations vont être associées à des lacunes dans le processus d’implantation ou de gestion des risques du parc éolien et qui vont susciter des sentiments d’injustice ou de perte de confiance envers les autorités.» 

L’acceptabilité sociale est un élément important pour réduire ces impacts. 

Il y a beaucoup de sentiment d’inquiétude chez les citoyens qui peut persister lors de la phase d’exploitation, entre autres par rapport à la santé, la circulation des camions et le risque d’accident, l’effondrement d’éoliennes, des glissements de terrain et la baisse potentielle de la valeur marchande d’une résidence, énumère Mme Bouchard-Bastien. 

La transformation du paysage et la perte potentielle d’un mode de vie peuvent aussi occasionner de la tristesse et de l’anxiété.

Risques pour l’eau potable

Le rapport souligne que la vulnérabilité des nappes d’eaux souterraines «est un élément important à considérer dès le début afin de caractériser les risques pour les ressources en eau potable souterraine». 

Les chercheurs se sont penchés sur les risques de contamination de l’eau parce que c’était une préoccupation citoyenne. «Les directions de santé publique souhaitaient investiguer sur ce thème, ce qui n’avait pas été fait dans l’exercice fait il y a une dizaine d’années», précise Mme Bouchard-Bastien. 

Le rapport conclut qu’il existe des risques de contamination chimique des eaux souterraines, mais qu’il y a encore très peu de données sur le sujet et qu’il faudrait approfondir les connaissances. 

«Et s’il y a un nouveau projet éolien, assurons-nous de bien caractériser la nappe souterraine et de bien surveiller les activités tout au long pour s’assurer qu’il n’y ait pas de contamination accidentelle», recommande Mme Bouchard-Bastien.  

«Ce n’est pas un des grands risques à la santé associés à l’implantation d’une éolienne, mais on tient à souligner qu’il y a de la prévention, de la précaution qui est de mise, et des activités de suivi tout au long des projets, ce qui est déjà le cas», tient à rassurer la conseillère scientifique. 

D’autre part, pour les ombres mouvantes, il n’y a pas de risque qui a été rapporté chez des personnes qui pourraient souffrir d’épilepsie photosensible. 

Quant aux lumières clignotantes — ces balises lumineuses qu’on retrouve au sommet des éoliennes pour orienter le transport aérien — il y a peu d’études qui abordent ces enjeux. Tout de même, dans certaines études, on fait état de manifestation de stress associé aux lumières clignotantes et aussi par rapport au changement du milieu de vie, notamment lorsqu’un milieu naturel devient un peu plus à caractère urbain.

Le niveau d’exposition aux champs électromagnétiques produits par les éoliennes est largement en dessous des limites recommandées par des organisations de santé. «Ça n’entraîne aucun effet néfaste sur la santé, affirme Mme Bouchard-Bastien. Je tiens à préciser que notre mandat, c’était vraiment de regarder l’éolienne et non la ligne de distribution à haute tension parce que ça, ça émet plus de champs électromagnétiques.» 

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