On se prépare déjà pour la prochaine bataille contre l’industrie de la nicotine

MONTRÉAL — Après le vapotage, les capsules comestibles! L’industrie du tabac, qui a ciblé les jeunes avec la cigarette, les cigares et le vapotage, se tourne maintenant vers la nicotine comestible. Alors que l’on souligne, ce mardi, l’entrée en vigueur de nouvelles règles interdisant les arômes et les designs attrayants dans les produits de vapotage, les organismes engagés dans le combat contre le tabagisme préparent déjà le prochain round.

De l’avis de plusieurs intervenants interrogés par La Presse Canadienne, la prochaine bataille pourrait bien porter sur la nicotine comestible. Il s’agit de sachets que l’on place dans la bouche et qui libèrent de la nicotine. Évidemment, la substance psychoactive qui entraîne une forte dépendance est bien camouflée derrière un arôme agréable de petits fruits ou autres.

Une simple recherche en ligne permet de constater que ces produits sont déjà commercialisés un peu partout dans le monde et qu’ils font déjà l’objet de mises en garde des autorités de la santé.

Le Dr Nicholas Chadi, pédiatre et chercheur spécialisé en médecine de l’adolescence et en toxicomanie, parle de ces pochettes comme étant l’un des principaux produits émergents à surveiller.

«On voit apparaître ces produits de plus en plus aux États-Unis, ce qui pourrait certainement arriver chez nous au Québec, au Canada.

«C’est une industrie qui sait très bien se réinventer, donc on il faut rester vigilant», poursuit-il.

Son message vise à éviter que les jeunes développent une dépendance à la nicotine puisque les études démontrent que cela peut avoir des conséquences sur leur cerveau, leur santé mentale et les rendre plus vulnérables à développer d’autres dépendances.

La directrice générale du Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS), Annie Papageorgiou, connaît bien son adversaire. «On a affaire à la même industrie qui est derrière les cigarettes, alors ils ont les mêmes pratiques, les mêmes façons de faire du marketing. Bien qu’on leur mette des règlements, ils trouvent toujours un moyen d’être ingénieux», rappelle-t-elle en ajoutant que cette industrie dispose d’importants moyens financiers.

Député de Marquette et porte-parole de l’opposition officielle en matière de saines habitudes de vie, Enrico Ciccone a lui aussi eu affaire au lobby du tabac. «À la minute que j’ai commencé à poser des questions, j’ai été inondé», a-t-il partagé en faisant référence à ses réseaux sociaux où les porte-voix de l’industrie sont très actifs.

Il y voit une motivation à rester cohérent avec ses positions afin de «protéger les générations futures».

Marché noir?

D’autre part, même si l’on parvient à limiter au minimum l’accès physique aux produits de tabac ou de vapotage, il restera toujours des moyens de contourner l’interdiction, croit le gestionnaire de l’équipe de la défense de l’intérêt public à la Société canadienne du cancer, David Raynaud.

Il prévient cependant que l’achat en ligne est aussi interdit au Québec. Il n’est toutefois pas exclu que les arômes de fruits ou de bonbons se fassent encore sentir si des adeptes de vapotage s’approvisionnent en dehors de la province. David Raynaud estime tout de même que le Québec dispose de l’un des meilleurs programmes de lutte contre la contrebande de tabac et que celui-ci devrait être aussi efficace dans le cas des produits de vapotage.

Annie Papageorgiou sait très bien, elle aussi, que ce n’est «pas parce que le règlement va être appliqué que tout d’un coup tout ça va s’arrêter-là». Elle insiste sur l’importance de continuer à sensibiliser la population aux méfaits du vapotage sur la santé et même sur l’environnement puisque ce sont des produits de consommation jetables.

Dans le même ordre d’idées, David Raynaud parle de la nécessité de «dénormaliser» le vapotage et la consommation de produits de nicotine en général.

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