Ottawa investira 50 millions $ pour aider les travailleurs touchés par l’IA

OTTAWA — Le gouvernement fédéral investira 50 millions sur quatre ans à compter de 2025-2026 pour soutenir les travailleurs qui pourraient être touchés par l’essor de l’intelligence artificielle (IA).

Cette somme figurait dans le budget fédéral présenté mardi. Le gouvernement prévoit investir plus de deux milliards de dollars afin d’encourager le développement de l’intelligence artificielle au Canada.

Les travailleurs des secteurs qui pourraient être affectés par l’essor de l’IA recevraient de la formation pour acquérir de nouvelles compétentes.

Le gouvernement indique que ce soutien sera fourni par l’intermédiaire du Programme de solutions pour la main-d’œuvre sectorielle, «qui offrira une formation pour l’acquisition de nouvelles compétences aux travailleurs des secteurs et des communautés touchés».

Une note d’information mettait en garde en juin dernier la ministre des Finances, Chrystia Freeland, contre les répercussions de l’IA dans tous les secteurs de l’économie. L’auteur prévoyait que 40 % de tous les horaires pourraient être touchés.

«Les secteurs des banques, des assurances et des ressources naturelles ont le potentiel d’automatisation le plus élevé par rapport aux autres secteurs», peut-on lire dans cette note obtenue par la Loi d’accès à l’information. «Cela peut entraîner des conséquences importantes sur les emplois et les compétences exigées.»

Le ministère des Finances n’a pas indiqué les secteurs qui pourraient être couverts par le programme.

«Les secteurs de la création ont été utilisés à titre d’exemple. Leur mention ne visait pas à exclure les autres secteurs affectés», a déclaré une porte-parole Caroline Thériault. 

Joel Blit, un professeur agrégé d’économie à l’Université de Waterloo, en Ontario, dit que l’IA va mener à une transformation importante de l’économie et de la société.

Des emplois seront perdus, d’autres vont être créés, «mais la période de transition pourrait être chaotique», met-il en garde.

Il explique que l’IA générative peut trouver des idées, les examiner, analyser les données et même écrire des programmes informatiques pour la musique, les images et la vidéo.

Le Pr Blit ajoute que les employés dans le secteur de la mise en marché, des soins de santé, de la comptabilité et du droit pourraient être les plus touchés.

«Il est difficile de prédire à long terme qui sera affecté. Que va-t-il se passer lorsqu’un secteur ou un processus sera réinventé par cette nouvelle technologie?»

Hugh Pouliot, un porte-parole du Syndicat canadien de la fonction publique, dit que l’IA est un enjeu pour tous les secteurs économiques. «Mais les emplois de bureau et de service à la clientèle sont les plus vulnérables», lance-t-il.

Mais tous les observateurs ne sont pas pessimistes. Viet Vu, responsable des recherches économiques d’un groupe de réflexion de l’Université du Toronto métropolitain, The Dais, les répercussions de l’intelligence artificielle sur l’emploi ne seront pas nécessairement négatives.

«Ce sera le cas uniquement si on est irresponsable», dit-il en faisant remarquer que les créateurs se servent de nouveaux outils numériques depuis plusieurs années.

M. Vu souligne que seulement 4% des entreprises canadiennes utilisent une forme d’intelligence artificielle. «Nous ne sommes pas encore arrivés au point où ces modèles et ces technologies [auront un impact]».

Selon lui, la formation devra se concentrer sur l’acquisition de deux types de compétence: l’analyse des données et la pensée computationnelle ou comment comprendre un ordinateur prend une décision.

Chaque système d’IA nécessite des données. «Si on comprend comment les données sont organisées, comment elles sont utilisées, cela sera vraiment utile à long terme. Même des capacités de base d’analyser des données le seront», avance M. Vu.

Toutefois, il faudra plus de 50 millions $ pour s’occuper de cet enjeu, étant donné l’étendue des changements que l’IA provoquera.

Valerio De Stefano, de la Chaire de recherche du Canada en innovation, droit et société à l’Université York, convient qu’il faudra plus de ressources pour aider les travailleurs.

«Le nombre de postes sera réduit à un tel niveau que l’acquisition de nouvelles compétences pourrait être insuffisante. Le gouvernement doit examiner de nouvelles formes d’aide, comme le revenu de base garanti», propose-t-il.

Le gouvernement devrait aussi envisager de demander aux entreprises en IA «de contribuer directement pour payer toute mesure sociale visant à s’occuper des gens qui perdent leur emploi à cause de la technologie». Il faudrait aussi l’exiger des employeurs «qui réduisent leur masse salariale et augmentent leurs bénéfices grâce à l’IA», soutient M. De Stefano.

«Sinon, la société cessera de subventionner les entreprises de technologies et les autres si elles augmentent leurs profits sans que tout le monde puisse en profiter.»