Ottawa «ouvert» à criminaliser le «contrôle coercitif», parfois prélude à la violence

OTTAWA — La violence sexiste est une «épidémie» et Ottawa reste ouvert à la criminalisation d’un type de comportement toxique appelé «contrôle coercitif», a indiqué le nouveau ministre fédéral de la Justice. 

Arif Virani a formulé ces commentaires dans une lettre adressée récemment au coroner en chef de l’Ontario. Le ministre y présentait la réponse du gouvernement fédéral à une série de recommandations formulées à la suite d’une enquête sur les meurtres de trois femmes, en 2015, dans le comté rural de Renfrew, à 180 km à l’ouest d’Ottawa. 

Carol Culleton, Nathalie Warmerdam et Anastasia Kuzyk ont toutes été assassinées en septembre 2015 par Basil Borutski, qui avait des antécédents de violence à l’égard des femmes. Borutski, qui avait eu auparavant des liaisons avec chacune des trois victimes, avait été libéré de prison l’année précédant les meurtres. 

L’enquête du coroner menée l’été dernier sur ces féminicides a permis d’apprendre qu’au moins une des trois femmes avait essayé de savoir où se trouvait Borutski lorsqu’il a été libéré. On a aussi appris que pendant sa détention, il avait été considéré comme un «délinquant à risque élevé».

L’enquête du coroner a donné lieu à plus de 80 recommandations, adressées aux différents ordres de gouvernement, dans l’espoir de prévenir de tels féminicides. On recommandait notamment à Ottawa de créer une nouvelle infraction dans le Code criminel qui pénaliserait précisément le «contrôle coercitif».

En affirmant dans sa lettre que les libéraux sont toujours «ouverts» à la création d’une telle infraction, le ministre Virani évoque l’engagement pris par son gouvernement en réponse à un rapport de 2021 d’un comité des Communes qui avait étudié la possibilité de criminaliser ce comportement de contrôle toxique.

«Le gouvernement du Canada s’est engagé à mettre fin à l’épidémie (de violence fondée sur le genre) sous toutes ses formes et s’efforce de combler toute lacune du Code criminel afin d’assurer une réponse solide du système judiciaire», a-t-il écrit dans sa lettre datée de lundi.

Ailleurs dans le monde

Le ministre Virani souligne que son gouvernement examine comment d’autres États, comme l’Écosse, ont criminalisé le contrôle coercitif.

Les experts au Canada et dans le monde définissent le contrôle coercitif comme un ensemble de comportements, allant du harcèlement et de l’intimidation à l’isolement d’une personne des soutiens familiaux et sociaux, dans le but de la maintenir sous l’emprise de l’agresseur.

Plusieurs croient que de telles tactiques de contrôle peuvent dégénérer en violence physique. Des chercheurs et la police ont par ailleurs admis depuis longtemps que dans les cas de violence conjugale, il existait souvent des signes avant-coureurs.

Et de nombreux cas très médiatisés, y compris des homicides et des meurtres suivis de suicide, ont mis en évidence que de nombreuses personnes sentaient que les victimes étaient en danger avant d’être assassinées.

Les statistiques fédérales de 2018 montrent que 44 % des femmes qui ont été en couple ont déclaré avoir subi une forme de violence de la part d’un partenaire.

Il existe déjà au Canada une disposition en vertu de la Loi sur le divorce qui stipule qu’un tribunal doit tenir compte de la violence familiale, y compris d’«un comportement coercitif et dominant», lorsqu’il s’agit de rendre des ordonnances concernant les enfants.

L’enquête du coroner de l’été dernier en Ontario demandait aussi au gouvernement fédéral de trouver d’autres moyens pour les plaignantes de violence domestique de témoigner devant le tribunal. On recommandait aussi à Ottawa d’explorer l’ajout du terme «féminicide» au Code criminel.

«Je note que, bien qu’il n’y ait pas de définition unique convenue du ‘féminicide’ dans le contexte national ou international, le terme est largement compris comme faisant référence au meurtre de femmes, principalement par des hommes, en raison de leur genre, écrit le ministre Virani dans sa lettre.

«Je suis d’accord avec les Nations unies et l’Observatoire canadien du féminicide [sic] pour la justice et la responsabilité lorsqu’ils notent que le féminicide est la forme la plus extrême de violence et de discrimination à l’égard des femmes et des filles.»