Ottawa prend un pas de recul sur la recherche de tombes autochtones non marquées

OTTAWA — Le gouvernement fédéral prend une pause et envisage de revoir un contrat de 2 millions $ conclu avec un organisme international pour fournir des conseils sur l’identification et la localisation de tombes non marquées d’enfants autochtones qui ont fréquenté des pensionnats.

Un porte-parole du ministre des Relations Couronne-Autochtones, Gary Anandasangaree, a déclaré qu’Ottawa avait «entendu les préoccupations soulevées par les partenaires autochtones» au sujet du contrat conclu avec la Commission internationale pour les personnes disparues. Matthieu Perrotin écrit dans un courriel que le ministère allait déterminer la marche à suivre.

Des communautés autochtones de l’Ouest canadien et de certaines parties de l’Ontario ont utilisé la technologie du radar à pénétration du sol pour tenter de localiser d’éventuelles tombes autour d’anciens pensionnats fédéraux.

Les recherches ont véritablement commencé après que la nation Tk’emlúps te Secwépemc a annoncé, en mai 2021, que la technologie avait aidé à retracer ce qu’elle croyait être plus de 200 tombes non marquées près d’un ancien pensionnat à Kamloops, en Colombie-Britannique.

Ottawa avait signé en février un accord technique avec la commission internationale, dont le siège est aux Pays-Bas, qui devait travailler avec les communautés autochtones.

La Commission internationale pour les personnes disparues collabore avec les gouvernements et les organisations du monde entier. Elle a mené de tels travaux au Canada après la catastrophe ferroviaire de Lac-Mégantic, en 2013, qui a fait 47 morts.

Dans le cadre de son contrat avec le gouvernement fédéral, la commission prévoyait de lancer une campagne de sensibilisation auprès des communautés qui ont manifesté leur intérêt à en savoir plus sur la manière dont l’analyse ADN et d’autres techniques médico-légales pourraient être utiles.

Pas de bagage autochtone

Mais l’attribution du contrat a rapidement suscité de vives critiques de la part du Centre national pour la vérité et la réconciliation et de l’interlocutrice spéciale indépendante désignée par le gouvernement pour enquêter sur la question.

Le centre et l’interlocutrice, Kimberly Murray, ancienne directrice de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, ont exprimé leurs inquiétudes quant au manque de bagage autochtone de l’organisme international. Tous deux ont déclaré qu’un tel travail devait être dirigé par des Autochtones afin d’éviter de nuire aux communautés.

Le centre a ajouté que le travail de l’organisme semblait chevaucher les efforts d’un comité consultatif dirigé par des Autochtones et déjà en place. Mme Murray a quant à elle remis en question l’indépendance de la commission internationale par rapport à Ottawa, qui lui a attribué le contrat.

Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada a indiqué dans une déclaration écrite qu’il avait «interrompu ses travaux pour réfléchir à la manière de modifier l’accord technique avec la Commission internationale pour les personnes disparues afin de garantir que la voie la plus appropriée soit suivie».

Le ministère ajoute que «le Canada continuera à fournir un soutien aux communautés qui souhaitent s’engager avec la (commission internationale) pour son expertise technique».

Le gouvernement n’a pas précisé les changements spécifiques qu’il souhaite apporter au contrat, mais l’organisme a confirmé son intention de signer un accord modifié et de commencer ses travaux l’année prochaine.

Curtis Mallet a déclaré au nom de la commission que des efforts avaient été déployés pour accroître la sensibilisation et établir des relations et une confiance avec les survivants des pensionnats des Premières Nations, Métis et Inuits partout au Canada.

«Nous avons ainsi remplacé les séances d’engagement communautaire individuelles prévues par des présentations plus larges et une participation à des assemblées régionales et nationales», a expliqué M. Mallet dans un courriel. Il a par ailleurs reconnu les inquiétudes soulevées quant à l’implication de son organisme dans ce dossier.

La commission a également dû faire face au départ de Sheila North, une dirigeante autochtone du Manitoba, qui devait aider à faciliter les assemblées communautaires. Mme North s’est retirée pour se présenter comme cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations, qui tiendra des élections la semaine prochaine.

La commission cherche à la remplacer «dans un avenir très proche», a indiqué M. Mallet.