Poilievre veut exempter tous les types de chauffage résidentiel du prix du carbone

OTTAWA — Le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, demande aux libéraux d’exempter toutes les formes de chauffage résidentiel de la tarification fédérale du carbone, après que le premier ministre Justin Trudeau eut annoncé une exemption pour le mazout domestique.

Le gouvernement fédéral a annoncé la semaine dernière qu’il augmenterait la remise sur le prix du carbone pour les Canadiens des régions rurales et qu’il supprimerait entièrement le prix du carbone sur le mazout domestique pour les trois prochaines années.

Pierre Poilievre a écrit dimanche une lettre à M. Trudeau, exhortant le gouvernement à étendre l’exemption à toutes les formes de chauffage domestique, y compris le gaz naturel, qui est plus courant dans l’Ouest canadien.

«En suspendant la taxe sur le mazout domestique jusqu’après les élections, cependant, vous envisagez de maintenir la taxe sur le chauffage au gaz naturel à faibles émissions, pour lequel les factures augmenteront encore plus dans quelques semaines à peine, à mesure qu’il fait plus froid», a écrit le chef conservateur.

«C’est pourquoi les conservateurs, qui font preuve de bon sens, offrent toute leur coopération pour adopter demain un projet de loi d’urgence visant à supprimer la taxe sur le carbone sur toutes les formes de chauffage avant que les factures de chauffage hivernales ne frappent les Canadiens le mois prochain», a-t-il ajouté.

Le prix du carbone vise à rendre les combustibles fossiles plus chers comme source d’énergie afin d’encourager les gens à trouver des alternatives plus propres.

M. Trudeau a déclaré qu’il était devenu clair que ce n’était pas le cas en ce qui concerne les pompes à chaleur, en partie parce qu’il faut du temps et de l’argent pour effectuer le changement.

Les changements apportés au régime de tarification du carbone interviennent alors que les préoccupations liées à l’accessibilité financière font vaciller la formation de Justin Trudeau dans les intentions de vote dans les provinces de l’Atlantique.

Une déclaration qui passe mal

En entrevue à CTV News cette fin de semaine, la ministre du Développement économique rural, Gudie Hutchings, a déclaré que le caucus libéral de l’Atlantique avait fait pression en faveur de changements au mazout domestique. La plupart des députés libéraux de l’Atlantique ont soutenu Trudeau lorsqu’il a fait cette annonce le 26 octobre.

Mme Hutchings a suggéré que les provinces des Prairies devraient peut-être élire davantage de libéraux pour faire pression en faveur d’exemptions qui affectent les électeurs de ces provinces, provoquant des réactions négatives, notamment de la part de la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith.

«Le caucus de l’Atlantique a exprimé clairement ce qu’il a entendu de la part de ses électeurs, et peut-être qu’il devrait élire davantage de libéraux dans les Prairies pour que nous puissions également avoir cette conversation», a déclaré Mme Hutchings.

Les conservateurs ont sauté sur cette déclaration lundi, disant qu’elle est la preuve que la taxe carbone n’a jamais été un plan environnemental, mais un plan fiscal.

«Et l’annonce faite par les libéraux cette semaine était motivée par la chute de leurs résultats dans les sondages, et non par la volonté de faire ce qui est bon pour les Canadiens», a déclaré le parti dans un communiqué.

Karina Gould, leader parlementaire du gouvernement, a mentionné que les conservateurs savent que la tarification du carbone s’accompagne d’un programme de rabais destiné à compenser l’augmentation des coûts, tout en incitant à réduire l’utilisation des combustibles fossiles. 

Les remises restent intactes même si vous réduisez votre consommation de combustibles fossiles et que vous payez donc moins pour la tarification du carbone.

«Le chef de l’opposition sait que les Canadiens qui vivent dans des juridictions où la tarification de la pollution s’applique reçoivent plus de 1000 $ par an du gouvernement du Canada pour lutter contre le changement climatique», a soutenu Mme Gould, en faisant référence à M. Poilievre.

La modification de la tarification du carbone a également suscité des réactions négatives de la part des premiers ministres des provinces dont les habitants dépendent davantage du gaz naturel pour le chauffage domestique et qui, par conséquent, devraient continuer à payer le prix du carbone. 

Lundi, le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, a menacé que SaskEnergy cesserait de percevoir le prix du carbone sur le gaz naturel, à compter du 1er janvier, si le gouvernement fédéral n’étendait pas l’exemption à toutes les formes de chauffage domestique.

«Le premier ministre a choisi de rendre la vie plus abordable pour les familles d’une partie du pays, tout en laissant les familles de la Saskatchewan dans le froid. En quoi est-ce juste pour les familles de notre province?» a évoqué M. Moe dans une vidéo publiée sur X, anciennement Twitter.

La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a accusé le gouvernement fédéral d’utiliser le prix du carbone pour punir les gens qui n’ont pas voté libéral.

«La taxe carbone ne vise pas à réduire les émissions, c’est une punition pour ne pas voter libéral. Il n’y a pas de mots pour décrire à quel point cela est absurde et préjudiciable à notre Confédération», a publié Mme Smith sur X.

Variations régionales

Statistique Canada rapporte qu’en 2021, seulement 3% des ménages à l’échelle nationale dépendaient du mazout domestique, tandis que 44% utilisaient le gaz naturel et 40% l’électricité.

La variation régionale est cependant importante.

Quatre ménages sur dix à l’Île-du-Prince-Édouard et un sur trois en Nouvelle-Écosse utilisent du mazout, alors que cette proportion tombe à moins de 5% au Québec et en Ontario et est pratiquement nulle dans l’ouest du Canada.

Environ huit ménages sur dix en Alberta et en Saskatchewan utilisent le gaz naturel, de même que deux tiers des foyers en Ontario, et environ la moitié au Manitoba et en Colombie-Britannique.

Du point de vue des émissions, le mazout domestique produit environ 42 % plus d’émissions de gaz à effet de serre que le gaz naturel pour obtenir la même quantité d’énergie, selon les données de l’Agence américaine de protection de l’environnement.

— Avec les informations de Mia Rabson