Québec accorde 2,9 milliards $ pour séduire Northvolt

MONTRÉAL — Les gouvernements Trudeau et Legault mettent 7,3 milliards $ sur la table pour damer le pion à la Californie et attirer au Québec le projet d’usine de batteries pour véhicules électriques de l’entreprise suédoise Northvolt.

Critiqués par l’opposition, les deux gouvernements ont défendu le soutien financier, nécessaire selon eux, pour attirer le chaînon manquant de la filière batterie au Québec, en conférence de presse, jeudi. 

«Il y a bien des juridictions, particulièrement aux États-Unis, qui sont prêtes à mettre des milliards et des milliards sur la table pour attirer ces investissements-là, défend le premier ministre Justin Trudeau. (…) Il fallait qu’on soit là pour démontrer que, nous aussi, on est prêt à investir dans notre avenir.»

Le premier ministre Legault s’est félicité de l’annonce «du plus important investissement privé de l’histoire récente du Québec». À ceux qui s’inquiètent de l’ampleur des montants investis par son gouvernement, il donne l’exemple du projet de barrage de la Baie-James lancé par l’ancien premier ministre libéral Robert Bourassa. «Il y en a qui trouvait ça fou. Ce qu’on s’est rendu compte, c’est que c’était un coup de génie.»

Le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a souligné que le gouvernement obtiendra un rendement sur son investissement d’ici cinq à neuf ans. «Je dirais au contribuable: « tu as fait un beau deal aujourd’hui », répond-il en mêlée de presse. Entre cinq et neuf ans, tu as ton retour sur ton investissement. Sûrement que l’usine est là pour 50 ans, moi je fais de l’argent 40 ans après.»

Secret largement ébruité avant l’annonce officielle, Northvolt a confirmé, jeudi, qu’elle avait choisi d’installer son usine en Montérégie, à Saint-Basile-le-Grand et à McMasterville. Le siège social nord-américain de Northvolt, pour sa part, sera à Montréal. 

La première phase du projet représente un investissement de 7 milliards $ et aura une capacité de 30 GWh. Elle comprendrait également des installations adjacentes pour la production de matériaux actifs cathodiques et le recyclage de batteries. Le projet pourrait contenir une deuxième phase, ce qui porterait sa capacité de production à 60 GWh.

Les gouvernements Trudeau et Legault promettent ainsi une aide qui pourrait être équivalente au coût de constructions. 

Les deux gouvernements rejettent cette interprétation. On souligne que 2,7 milliards $ sont consacrés à la construction. L’autre tranche de 4,6 milliards $ est conditionnelle à la production et la vente de cellules. 

Cette aide conditionnelle est comparable à ce qui se fait aux États-Unis avec le Inflation Reduction Act (IRA). M. Champagne affirme que l’aide conditionnelle doit être vue comme une aide à la production et non pas une aide à la construction. «Il ne faut pas oublier que pour l’opérer, c’est deux milliards par année.»

Plus en détail, le fédéral allouera jusqu’à 4,4 milliards $, soit 1,34 milliard $ d’aide à la construction et 3 milliards $ d’aide à la production. Le gouvernement Legault, pour sa part, déploie 2,9 milliards $, soit 1,37 milliard $ de capitaux et 1,5 milliard $ d’incitatif à la production. 

Critiques de l’opposition

Avant même l’annonce officielle, l’ampleur des sommes impliquées a été critiquée par les partis d’opposition à Québec. Le porte-parole libéral en matière d’économie, Fred Beauchemin, estime que le gouvernement Legault aurait dû concentrer son aide sur les PME du Québec.

«Pourquoi on n’aide pas nos PME, justement, à sortir du lot et être capables d’être le prochain Couche-Tard.»

Au Parti québécois (PQ), Joël Arseneau se questionne sur la pertinence d’un tel investissement dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. «Il s’apprête à créer des milliers de jobs pour des travailleurs qu’on n’a pas.»

Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, estime qu’il n’y a «pas de garantie» que le projet soit rentable pour les contribuables québécois ou qu’il contribue à réduire les gaz à effet de serre.

Projet socialement acceptable?

L’annonce soulève déjà des craintes dans la région tandis qu’une pétition de 700 noms a été déposée au conseil municipal de McMasterville afin de bloquer le projet. Les signataires craignent que l’usine entraîne du bruit et de la pollution. 

Le cofondateur de Northvolt, Paolo Cerruti, qui dirigera le siège social nord-américain de l’entreprise, reconnaît que la taille du projet qui occupera l’équivalent de 318 terrains de football peut paraître «intimidante». L’entreprise promet de tenir des séances d’information, au début du mois d’octobre, à Saint-Basile-le-Grand et à McMasterville pour expliquer le projet. 

Le ministre Champagne suggère aux citoyens de donner la chance au coureur. «Moi, je les ai rencontrés, ces gens-là, c’est des gens qui ont les mêmes valeurs qu’on a chez nous. Vous parlez d’une entreprise suédoise, on a vraiment été sélectif. (…) C’est très près de l’environnement, très près des communautés, très sensibles à l’acceptabilité sociale.»