Sommet du G20: Justin Trudeau voulait une déclaration «beaucoup plus forte»

NEW DELHI — S’il n’en tenait qu’à lui, la déclaration des dirigeants du G20 sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie aurait été beaucoup plus percutante, a affirmé dimanche le premier ministre canadien Justin Trudeau.

Lors d’une conférence de presse en clôture du sommet du G20 à New Dehli, en Inde, M. Trudeau a également souligné que si d’autres dirigeants avaient eu le champ libre, la déclaration aurait été beaucoup plus faible.

Il a qualifié le G20 de «groupe extrêmement disparate», ajoutant que les représentants ont travaillé très dur pour livrer un message «aussi fort que possible».

Les dirigeants économiques mondiaux se sont entendus sur une déclaration finale de compromis, avec des termes adoucis pour aborder l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

La déclaration de consensus du sommet de cette année en Inde a été publiée par le ministère des Affaires étrangères du pays hôte samedi, à la veille de la conclusion du sommet.

Elle appelle à la cessation de la destruction militaire ou d’autres attaques contre les infrastructures, car la violence affecte la sécurité alimentaire et énergétique ainsi que les chaînes d’approvisionnement.

«Conformément à la Charte des Nations Unies, tous les États doivent s’abstenir de recourir à la menace ou à la force pour rechercher une acquisition territoriale contre l’intégrité territoriale et la souveraineté ou l’indépendance politique de tout État. L’utilisation ou la menace d’utilisation d’armes nucléaires est inadmissible», peut-on lire dans la déclaration finale du G20.

Les propos tenus lors du sommet du G20 de l’an dernier à Bali, où les dirigeants ont directement critiqué l’agression de la Russie en Ukraine et exigé que ses troupes se retirent du territoire, ont donc disparu.

Malgré cela, le premier ministre Trudeau a déclaré que le Canada continuera de soutenir l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra.

«Non seulement l’invasion brutale de l’Ukraine par la Russie est criminelle et inacceptable et tue des milliers de personnes, mais elle crée également une crise de l’énergie et de l’insécurité alimentaire dans le monde entier.»

M. Trudeau préconisait durant les discussions une action collective pour tenir le président russe Vladimir Poutine responsable et pour obtenir «une paix juste et durable» qui commence par le retrait immédiat de Moscou de l’Ukraine.

D’ailleurs, le Canada ne reconnaîtra jamais les résultats des «élections bidon» organisées par la Russie en Ukraine, a-t-il ajouté. «Les gens comme Poutine confondent être raisonnable avec de la faiblesse. Il a complètement tort», a-t-il martelé.

Le sommet du G20 a aussi encouragé la reprise des expéditions de céréales, de denrées alimentaires et d’engrais de la Russie et de l’Ukraine, affirmant qu’il était nécessaire de nourrir les gens en Afrique et dans d’autres parties du monde en développement.

Le communiqué des dirigeants a également mis l’accent sur l’égalité des sexes, la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent, ainsi que la construction de technologies numériques et d’infrastructures vertes.

De l’argent pour les nations émergentes

La réunion du G20 était le dernier arrêt de M. Trudeau lors de son voyage dans l’Indo-Pacifique, où il a fait la promotion des entreprises et des produits canadiens afin de tisser des liens avec les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est.

Le premier ministre devait quitter l’Inde dimanche pour revenir lundi à Ottawa, mais un problème mécanique sur son avion a retardé son départ jusqu’à nouvel ordre.

Le premier ministre indien, Narendra Modi, a placé cette année le thème central du sommet du G20 sur les pays du Sud, alors que l’Union africaine a obtenu le statut de membre permanent.

M. Trudeau a d’ailleurs rencontré dimanche le président de l’Union africaine, Azali Assoumani, pour un échange amical, lors duquel il a promis de soutenir le Maroc à la suite du tremblement de terre dévastateur survenu vendredi.

Le premier ministre a assuré qu’il était déterminé à aider les pays du Sud en annonçant un financement de plus de 137 millions $ pour aider les pays en développement.

Cette somme sera consacrée à des projets liés aux changements climatiques, notamment en Afrique subsaharienne, au développement de chaînes de valeur agricoles en Bolivie et au développement d’entreprises agricoles dirigées par des femmes au Nigeria.

Des fonds ont également été prévus pour accroître la sécurité alimentaire au Congo et renforcer la nutrition au Burkina Faso.

Tensions diplomatiques

Même si le Canada compte une importante diaspora indienne, un nuage plane sur les relations diplomatiques entre les deux pays, en raison de la présence d’un mouvement au Canada déterminé à forger une patrie sikhe distincte dans la région du Pendjab.

De plus, la conseillère à la sécurité nationale de M. Trudeau a cité l’Inde comme étant l’une des principales sources d’ingérence étrangère au Canada, un qualificatif qu’Ottawa a souvent réservé aux États autoritaires.

M. Trudeau a souligné dimanche que ces deux sujets avaient été abordés lors d’une rencontre de 15 minutes qu’il a eue avec M. Modi.

Concernant l’ingérence étrangère, M. Trudeau a déclaré avoir souligné à son homologue l’importance de respecter l’État de droit, l’intégrité et la souveraineté des institutions démocratiques, ainsi que la capacité des citoyens d’un pays à choisir leur avenir.

«La diaspora canadienne représente une grande partie de notre pays, et elle devrait pouvoir s’exprimer et faire ses choix sans ingérence de la part d’un des nombreux pays qui, nous le savons, sont impliqués dans des problèmes d’ingérence», a-t-il soutenu.

Dans son propre résumé de la rencontre entre les deux hommes, le ministère indien des Affaires étrangères a plutôt mis l’accent sur le fait que M. Modi a fait part à M. Trudeau de ses inquiétudes concernant «les activités anti-indiennes» au Canada. Selon l’Inde, des «extrémistes» promeuvent le sécessionnisme et incitent à la violence contre les diplomates indiens, endommagent les locaux diplomatiques et menacent la communauté indienne au Canada et ses lieux de culte.

Lors de sa conférence de presse, M. Trudeau a réitéré que le Canada défendrait toujours la liberté d’expression et les manifestations pacifiques, tout en s’opposant à la violence et à la haine.

«Il est important de se rappeler que les actions de quelques individus ne représentent pas l’ensemble de la communauté ni le Canada», a-t-il noté.

Plus tôt, M. Modi avait offert une poignée de main à M. Trudeau lors d’une cérémonie de dépôt de couronne, mais M. Trudeau a retiré sa main rapidement. Interrogé sur l’échange, M. Trudeau a suggéré que les gens pourraient y lire ce qu’ils souhaitent.

M. Trudeau ne s’est pas rendu au dîner des dirigeants organisé par M. Modi samedi soir. Son bureau n’a pas voulu fournir de raison officielle.

Il n’a également pas participé au lancement de la Global Biofuels Alliance, un partenariat visant à faire progresser le déploiement de carburants plus propres et plus verts dans le monde.