Trudeau demande à Israël de faire preuve de «retenue» pour protéger les civils à Gaza

OTTAWA — Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a réprimandé son homologue canadien sur les réseaux sociaux, mardi soir, après que Justin Trudeau a exhorté Israël à protéger la vie des civils dans la guerre brutale qu’il mène contre le Hamas dans la bande de Gaza.

M. Trudeau a affirmé que le monde est témoin de la mort de femmes, d’enfants et de bébés, et que cela doit arrêter. 

«La tragédie humaine qui se déroule à Gaza est déchirante, en particulier les souffrances que nous voyons à l’intérieur et autour de l’hôpital Al-Shifa», a-t-il déclaré.

Le plus grand hôpital de Gaza est devenu un point central du conflit cette semaine lorsque les troupes israéliennes au sol ont encerclé l’établissement. 

Alors qu’Israël s’est dit prêt à autoriser l’évacuation du personnel et des patients, les Palestiniens affirment que les forces israéliennes ont tiré sur les personnes évacuées et qu’il est trop dangereux de déplacer les patients les plus vulnérables. Les médecins disent que l’établissement est à court de carburant et que les patients commencent à mourir.

L’Associated Press a rapporté qu’Israël a mené ce qu’il a appelé une «opération précise et ciblée contre le Hamas dans une zone spécifiée» de l’installation mercredi matin, heure locale. Il n’a donné aucun autre détail, mais a déclaré qu’il prenait des mesures pour éviter de nuire aux civils.

Alors que des informations faisant état de cette évolution apparaissaient, M. Nétanyahou a visé M. Trudeau sur X, anciennement Twitter.

«Ce n’est pas Israël qui cible délibérément les civils, mais le Hamas qui a décapité, brûlé et massacré des civils dans les pires horreurs perpétrées contre les Juifs depuis la Shoah», a écrit M. Nétanyahou .

«Alors qu’Israël fait tout pour garder les civils hors de danger, le Hamas fait tout pour les maintenir en danger. Israël fournit aux civils de Gaza des couloirs humanitaires et des zones de sécurité, le Hamas les empêche de partir sous la menace des armes.»

«C’est le Hamas, et non Israël, qui devrait être tenu responsable d’avoir commis un double crime de guerre : cibler des civils tout en se cachant derrière des civils.»

Israël accuse le Hamas d’utiliser les hôpitaux comme bouclier pour ses combattants, alléguant que le Hamas a installé son principal centre de commandement dans et sous l’hôpital, sans fournir de preuves visuelles. Le Hamas et le personnel de l’hôpital Al-Shifa nient les allégations israéliennes.

«J’ai clairement indiqué que le prix de la justice ne pouvait être la souffrance continue de tous les civils palestiniens. Même les guerres ont des règles», a soutenu M. Trudeau lors d’un événement organisé à Vancouver mardi.

Israël a déclaré la guerre au Hamas après que ses militants ont tué 1200 personnes, dont des centaines de civils, le 7 octobre et pris environ 240 personnes en otage.

Les responsables de la santé dans le territoire contrôlé par le Hamas affirment que les frappes aériennes de représailles sur la bande de Gaza assiégée ont maintenant tué plus de 11 200 personnes.

Pénuries de carburant

M. Trudeau a affirmé que le Hamas devait cesser d’utiliser les Palestiniens comme boucliers humains et libérer tous les otages «immédiatement et sans condition». Le Canada désigne le groupe comme une organisation terroriste depuis plus de 20 ans. 

Il a ajouté que la violence devait cesser de toute urgence «pour que les Palestiniens puissent avoir accès à des services médicaux vitaux, à de la nourriture, à du carburant et à de l’eau, pour que tous les otages puissent être libérés et pour que tous les Canadiens et les autres ressortissants puissent quitter Gaza».

Alors que les affrontements se poursuivent, la pénurie de carburant dans la bande de Gaza entraînera probablement la fin prochaine de l’aide apportée par les Nations unies aux civils palestiniens, ce qui préoccupe vivement la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, connu sous le nom d’UNRWA, a confirmé que son entrepôt de carburant à Gaza était vide et que ses opérations de secours seraient bientôt interrompues.

Philippe Lazzarini, commissaire général de l’UNRWA, a déclaré qu’après des semaines d’avertissements et de rationnement, l’agence sera bientôt à court de carburant.

«Le dépôt est maintenant vide, a affirmé M. Lazzarini. C’est très simple. Sans carburant, l’opération humanitaire à Gaza touche à sa fin. Beaucoup d’autres personnes souffriront et mourront probablement.»

L’UNRWA fournit de la nourriture, des abris et d’autres services à des centaines de milliers de Palestiniens déplacés.

Une situation qualifiée d’inacceptable

La ministre Mélanie Joly a qualifié la situation d’inacceptable.

Dans une déclaration lundi soir, elle a dit que les civils doivent être protégés et que suffisamment de nourriture, de carburant et d’eau doivent parvenir à Gaza pour que le travail humanitaire de l’ONU puisse continuer.

Israël refuse d’autoriser les livraisons de carburant à Gaza depuis l’attaque transfrontalière du Hamas le 7 octobre. Israël affirme que le Hamas détournera toute cargaison de carburant à des fins militaires.

Les Palestiniens piégés à Gaza luttent pour survivre sans électricité ni eau courante et rationnent la nourriture alors que le siège israélien du territoire entre dans son deuxième mois.

Mme Joly n’a pas spécifiquement nommé Israël dans ses «commentaires sur la situation actuelle au Moyen-Orient» publiés lundi soir sur X. 

Le gouvernement canadien a dû faire face à une pression accrue de la part du Conseil national des musulmans canadiens, des agences d’aide aux réfugiés, des membres de l’opposition et des élus municipaux pour demander un cessez-le-feu, afin d’évacuer les civils en toute sécurité et d’acheminer l’aide humanitaire.

Mme Joly n’a pas mentionné de cessez-le-feu dans sa déclaration de lundi, et M. Trudeau a plutôt appelé à «une pause humanitaire durable» dans les bombardements.

Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’allait pas jusqu’à demander un cessez-le-feu, le premier ministre a évoqué la nécessité d’assurer la sécurité des Canadiens face à la vague croissante d’antisémitisme et d’incidents motivés par la haine.

«Si nous ne parvenons pas à trouver un moyen d’arrêter d’être en colère contre nos voisins ici au Canada, qui le fera dans le monde ? C’est la question que nous devons nous poser chaque jour», a-t-il rétorqué.

«Il ne s’agit pas de se demander si telle ou telle solution magique énoncée par un premier ministre canadien va soudainement apporter la paix au Moyen-Orient du jour au lendemain.»

Des dizaines de personnes liées au Canada espèrent toujours fuir la bande de Gaza, où, selon les Nations unies, aucun endroit n’est sûr.

Aucun Canadien ne figurait sur la liste des personnes susceptibles d’être évacuées et autorisées à emprunter le poste-frontière de Rafah, étroitement contrôlé, pour se rendre en Égypte mardi.

Affaires mondiales Canada a indiqué mardi qu’il était en contact avec 390 Canadiens, résidents permanents et membres de leur famille admissibles dans le territoire palestinien déchiré par la guerre.

Jusqu’à présent, 356 Canadiens et leurs proches ont réussi à quitter la bande de Gaza, dont 10 lundi.

«Nous travaillons jour et nuit pour mettre en sécurité les Canadiens qui se trouvent encore à Gaza», a déclaré Mme Joly.

Négociations pour les otages

Le Canada participe également aux efforts visant à assurer le retour en toute sécurité des otages capturés lors de l’attaque du mois dernier et emmenés à Gaza.

Julie Sunday, la nouvelle haute responsable du Canada pour les affaires d’otages, se trouve au Qatar où elle participe à des négociations avec des partenaires au Moyen-Orient, a indiqué Mme Joly. Elle s’est récemment rendue en Israël et en Égypte dans le cadre de sa mission visant à faciliter la libération des otages israéliens.

Il a été confirmé que la Canadienne Vivian Silver, qui possédait la double nationalité et dont on pensait qu’elle avait été prise en otage, est décédée lors de l’attaque initiale du mois dernier.

On pensait que Vivian Silver, qui s’était installée en Israël dans les années 1970, était encore en vie et détenue à Gaza. Mais l’identification de certains des restes les plus gravement brûlés a progressé lentement, et sa famille a été informée de son décès lundi.

M. Trudeau a dit qu’il avait rencontré l’un des fils de Vivian le mois dernier et que son courage, son engagement et sa compassion illustrent ce que signifie être Canadien.

«Vivian a consacré sa vie à la paix, et sa lumière brillante s’est éteinte le 7 octobre», a partagé M. Trudeau.

Le ministère des Affaires étrangères a indiqué qu’un Canadien était toujours porté disparu.

Une soldate de 19 ans qui avait été prise en otage a également été tuée, selon le Hamas et Israël, ce qui fait d’elle la première des otages du 7 octobre dont la mort en captivité a été confirmée.

Mardi, l’armée israélienne a déclaré que Noa Marciano était considérée comme une militaire morte au combat, sans préciser la cause du décès. De son côté, le Hamas a annoncé qu’elle avait été tuée par une frappe israélienne, sans fournir de preuves.

– Avec des informations de l’Associated Press