Un ex-agent de la GRC témoigne au procès de Cameron Jay Ortis

OTTAWA — Un ancien membre d’une unité de renseignement de la GRC, au courant d’informations ultrasecrètes, affirme que les agents de ce service ne contacteraient jamais directement la cible d’une enquête criminelle.

Dan Morris a déclaré lors du procès de Cameron Jay Ortis, qui a dirigé cette unité, qu’un tel contact avec une cible d’enquête criminelle aurait nécessairement dû être approuvé par des hauts gradés de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

La Couronne soutient que M. Ortis a transmis anonymement des informations secrètes, en 2015, à des personnes qui présentaient un intérêt pour une enquête de la GRC. Selon la poursuite, l’accusé aurait ainsi révélé des informations secrètes à trois personnes, et tenté de le faire dans un quatrième cas.

Cameron Jay Ortis, âgé de 51 ans, a plaidé non coupable d’avoir ainsi violé la Loi sur la protection de l’information. Ses avocats ont l’intention de plaider au procès que leur client avait le pouvoir de prendre les mesures qu’il a prises.

Les journalistes et le grand public avaient été exclus de la salle d’audience lundi, en Cour supérieure de l’Ontario, pour la comparution de M. Morris, malgré les objections de médias d’information. Une transcription de son témoignage a été publiée mardi.

M. Ortis était officier responsable de l’unité de recherche opérationnelle de la GRC en 2010 lorsqu’il a embauché l’agent Morris dans son service. M. Ortis est devenu ensuite directeur de l’unité en 2013, et l’a quittée début 2015 pour suivre une formation en français, avant de rejoindre un autre poste aux renseignements.

M. Morris a alors assumé par intérim les fonctions de M. Ortis à la direction de l’unité de recherche opérationnelle, pour finalement en devenir directeur permanent. Il a quitté l’unité en septembre 2018, mais demeure un membre civil de la GRC, a-t-il déclaré au tribunal.

L’unité avait pour tâche de rassembler et de développer des informations classifiées sur les cellules terroristes, les réseaux criminels transnationaux, les acteurs de la cybercriminalité et l’espionnage commercial.

Le directeur de cette unité devait gérer un programme à haut risque qui fournissait des informations exploitables aux cadres supérieurs de la GRC, indique la description de poste de M. Ortis, déposée au tribunal dans le cadre d’un exposé conjoint des faits dans cette affaire.

Interrogé par la Couronne, M. Morris a expliqué aux jurés que l’unité de recherche opérationnelle avait été créée pour être complètement distincte des enquêtes criminelles. L’unité se concentrait exclusivement sur le développement de projets de recherche en matière de renseignement, dans le but d’informer les officiers supérieurs des menaces, a-t-il expliqué.

Les documents sensibles avec lesquels l’unité a travaillé ne pouvaient pas être utilisés dans des enquêtes criminelles en raison du risque de divulgation potentielle de ces renseignements lors d’un procès, a soutenu M. Morris.

Même si l’unité n’a pas contacté directement les cibles de l’enquête, cela impliquerait d’informer une série de supérieurs qui «devraient approuver cette action potentielle», a-t-il déclaré. Toute tromperie serait considérée par la politique de la GRC comme une opération d’infiltration, a ajouté M. Morris. «Il existe des règles très claires sur la manière dont les opérations d’infiltration peuvent être menées au sein de la GRC et sur les personnes qui peuvent mener ces opérations.»

Si l’unité de recherche opérationnelle voyait une opportunité pour une opération d’infiltration impliquant un contact avec une cible, elle en informerait le commissaire adjoint qui supervise l’unité et éventuellement le directeur général des opérations criminelles de la sécurité nationale, a-t-il expliqué.

Le directeur des opérations secrètes et l’officier des opérations criminelles concerné seraient également informés de l’éventuelle opération, a ajouté M. Morris. «Toute une série de breffages et d’approbations seraient alors nécessaires pour donner le feu vert, si je puis dire, à ce type d’action.»

M. Morris a parlé d’un tel effort en 2012, lorsqu’un plan a été élaboré et qu’un opérateur d’infiltration qualifié a été affecté. La recherche opérationnelle «n’avait rien à voir avec l’exécution réelle de ce plan, a-t-il déclaré. Notre objectif était d’identifier l’opportunité, et c’est tout.»

M. Morris a déclaré que l’unité était également impliquée dans l’identification des opportunités d’efforts de perturbation à l’étranger – des opérations visant à interférer avec les réseaux et les routines des criminels présumés pour leur nuire. 

L’unité de recherche opérationnelle partageait parfois des informations avec un agent de liaison de la GRC en poste à l’étranger, qui les transmettait ensuite à un partenaire policier local pour qu’il agisse contre une cible étrangère, a-t-il déclaré. Mais des membres de l’unité n’ont pas contacté directement les cibles choisies, a-t-il assuré.