Un Québec indépendant devrait assumer 400 milliards $ de dette

QUÉBEC — Un Québec indépendant devrait assumer une dette brute de tout près de 400 milliards $.

C’est ce qui ressort d’un portrait des finances publiques d’un Québec souverain rendu public lundi par le chef péquiste Paul Saint-Pierre Plamondon, qui assure que cet État serait néanmoins un des plus riches au monde, «probablement plus profitable» que ce que l’étude suggère même.  

L’endettement serait dans une «zone confortable, acceptable», en fonction du produit intérieur brut (PIB) du Québec, a-t-il déclaré en conférence de presse à l’Université Laval à Québec. 

Le document conclut que le fédéral gaspille l’argent des contribuables québécois avec sa dette hors de contrôle et qu’au bout de sept ans, un Québec souverain dégagerait des économies supplémentaires de 12 milliards $ par rapport à sa situation actuelle de province.   

Le document de 84 pages était attendu depuis le printemps et sa publication avait été reportée plusieurs fois par le Parti québécois (PQ), jusqu’après l’élection complémentaire dans Jean-Talon du début d’octobre que le PQ a remportée. 

Exercice futile?

Est-ce un exercice futile dans un contexte où les citoyens sont préoccupés actuellement par leur pouvoir d’achat et la détérioration des services publics, ont demandé des journalistes.

«Non», a répondu le chef péquiste. 

«Ça craque de partout» dans les services publics et c’est parce que le Québec est privé de revenus qui vont à Ottawa pour ses «dépenses hypertrophiées»: un Québec séparé rapatrierait ainsi pas moins de 82,3 milliards $ de taxes et impôts versés au fédéral, a-t-il argué. 

«Ce serait dépensé forcément différemment» que ce que le fédéral choisit.

«Les Québécois reçoivent peu ou pas de services du fédéral dépendant des ministères», a déploré M. St-Pierre Plamondon.

Au lieu de «poursuivre des missions frivoles», le Québec indépendant «choisirait des missions fondamentales de l’État, donner des services à la population», a-t-il affirmé.

Dette

Un éventuel Québec indépendant devrait assumer sa part de la dette fédérale, estimée à plus de 185 milliards $ dans le document. À cela s’ajoute la dette actuelle du Québec, estimée à 212,2 milliards $, pour un total de plus de 397 milliards $.

Néanmoins, le PQ plaide que le Québec ferait bonne figure, en étant deuxième dans les pays du G7 en matière de ratio dette/PIB (72 %), juste après l’Allemagne.

C’est «nettement avantageux», a plaidé le chef péquiste. 

12 milliards $

«Il ne fait aucun doute» qu’un Québec indépendant pourrait non seulement assumer les dépenses du fédéral et maintenir la totalité des services, mais disposerait même de nouvelles sommes importantes pour les investir comme bon lui semble, peut-on lire. 

Sur un horizon budgétaire de sept ans, de 2021 à 2028, l’analyse du PQ suggère un déficit cumulatif de 55,9 milliards $ pour un Québec séparé, par rapport à 67,9 milliards $, si le Québec reste une province et qu’on lui attribue sa part du déficit fédéral anticipé: donc 12 milliards $ d’économies. 

Péréquation: de la «malhonnêteté»

Les adversaires du PQ, dont le premier ministre François Legault, rappellent constamment que le Québec reçoit plus de 13 milliards $ par an en péréquation du fédéral. 

«C’est de la malhonnêteté intellectuelle» d’isoler ce seul chiffre, au dire de M. St-Pierre Plamondon. Au net, Québec reçoit 9,6 milliards $, puisqu’il contribue lui-même à ce programme, a-t-il rappelé.

En mettant fin aux chevauchements et dédoublements du fédéral qui empiète dans des compétences du Québec, un État souverain dégagerait 8,8 milliards $, estime-t-on.

Par contre, cela veut dire qu’un gouvernement d’un Québec indépendant ne s’engagerait pas à intégrer dans sa fonction publique tous les fonctionnaires fédéraux québécois, nommément ceux de Patrimoine canadien, Santé Canada, Revenu Canada, Immigration Canada, etc. 

Négociations

Le PQ ne s’attend pas à des perturbations économiques advenant l’accession à l’indépendance. Au contraire, le leader péquiste s’attend à un «boom économique» comme celui qui est arrivé à la Slovaquie qui s’est séparée de son voisin tchèque au milieu des années 1990. 

C’est «l’effet économique d’exister, d’être au monde» sur la scène internationale pour défendre soi-même ses intérêts, a-t-il soutenu. 

Même les négociations avec le Canada devraient se dérouler sereinement, puisqu’il existe des précédents désormais et tout un encadrement juridique, a-t-il poursuivi. 

Pour convaincre qui?

M. St-Pierre Plamondon a laissé entendre qu’il ne se fait pas d’illusion quant à savoir s’il arrivera à convaincre des électeurs fédéralistes grâce à ce document. À quoi sert-il alors? 

«À toutes les personnes qui se soucient de l’avenir du Québec», a-t-il indiqué. 

Le portrait des finances d’un Québec souverain, communément appelé «budget de l’an 1», a été effectué maintes fois par le PQ durant son histoire. Il vise essentiellement à tenter de démontrer la viabilité financière d’un État indépendant et à contrecarrer les arguments des adversaires voulant que le Québec soit bénéficiaire de la fédération.

Le chef péquiste y est allé d’une métaphore. 

«Jamais on ne laisserait le voisin gérer la moitié de son budget familial en disant: ‘je suis sûr qu’il va faire un meilleur travail que moi-même’.»