Un rapport sur les espèces envahissantes fait des suggestions aux gouvernements

EDMONTON — Une organisation internationale a produit un rapport sur les espèces exotiques envahissantes qui indique que le problème d’envergure mondiale coûte des milliards de dollars par année et que dans certains cas, il est aggravé par le changement climatique.

Le résumé du rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a été approuvé en fin de semaine à Bonn, en Allemagne, par les 143 États membres de l’organisation.

Le texte indique que si 80 % des pays ont des objectifs liés à la gestion des espèces exotiques envahissantes dans leurs plans nationaux pour la biodiversité, seulement 17 % ont des lois ou des réglementations nationales traitant spécifiquement de ces questions. Environ 45 % de tous les pays n’investissent pas dans le gestion des invasions biologiques.

« Je donnerais de bonnes notes au Canada pour ses efforts globaux », selon Peter Stoett, membre du corps professoral de l’Ontario Tech University à Oshawa, en Ontario, et l’un des trois auteurs du rapport. « Le Canada a une réputation assez solide. La plupart des provinces ont par exemple un conseil sur les espèces envahissantes », a-t-il ajouté lors d’une entrevue accordée depuis Bonn.

Le rapport, dont la rédaction a pris quatre ans, s’est appuyé sur le travail de 80 scientifiques et d’autres auteurs contributeurs et a impliqué plusieurs consultations auprès de groupes autochtones.

Dans l’ensemble, il existe environ 37 000 espèces exotiques introduites par les activités humaines dans le monde, mais seulement 3500 d’entre elles sont considérées comme envahissantes nuisibles, ce qui signifie qu’elles menacent sérieusement la nature ou les contributions de la nature aux personnes et à la qualité de vie.

Le rapport ajoute que le coût économique mondial des espèces exotiques envahissantes a dépassé 423 milliards $ par année en 2019, avec des coûts qui ont au moins quadruplé à chaque décennie depuis 1970.

Le rapport souligne que les plantes exotiques envahissantes peuvent interagir avec le changement climatique, entraînant souvent des incendies plus intenses et plus fréquents, comme certains des incendies de forêt dévastateurs récemment survenus au Canada. Ces incendies, a-t-on découvert, libèrent encore plus de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.

Le professeur Stoett affirme que les moules zébrées dans les Grands Lacs du Canada ont entraîné l’extinction d’espèces de moules indigènes et que leur contrôle coûte des millions de dollars chaque année.

Il signale aussi que l’agrile du frêne, un coléoptère asiatique, a eu de sérieux impacts sur les frênes du Québec. Cela affecte les peuples Anishinaabe du Canada, qui utilisent ce bois pour fabriquer des objets culturellement pertinents pour eux.

« Nous sommes préoccupés par le fait que l’Arctique est de plus en plus vulnérable aux espèces envahissantes avec le changement climatique à mesure que les espèces se dirigent vers le nord », a ajouté Peter Stoett.

Le rapport révèle que le Canada est lui-même une source d’espèces exotiques envahissantes. Le castor nord-américain, symbole national bien-aimé, constitue pourtant un problème environnemental en Amérique du Sud, où les écosystèmes peinent à faire face aux rivières endiguées. 

Anne Larigauderie, directrice exécutive de la Plateforme intergouvernementale, a noté que les gouvernements du monde entier ont convenu en décembre, lors du nouveau cadre mondial de biodiversité Kunming-Montréal, de réduire l’introduction et l’établissement d’espèces exotiques envahissantes prioritaires d’au moins 50 % d’ici 2030. « L’urgence immédiate des espèces exotiques envahissantes, avec des dommages étendus et croissants à la nature et aux humains, rend ce rapport si précieux et opportun », selon ce qu’a écrit Mme Larigauderie dans un communiqué de presse.

Les solutions proposées dans le rapport incluent des suggestions pour aider les gouvernements à gérer la prévention et la biosécurité aux frontières. L’éradication des espèces envahissantes a également fonctionné dans certaines régions, en particulier lorsque leurs populations sont petites et se propagent lentement dans des écosystèmes isolés tels que les îles.

Obtenir une coordination est essentiel, d’insister Peter Stoett. À l’heure actuelle, les espèces exotiques envahissantes sont considérées comme un problème pour le ministère de l’Environnement d’un pays, pouvant s’étendre au ministère de l’Agriculture. Mais il a ajouté que ces ministères doivent également savoir ce que font les responsables des forêts et des transports.

Le coût peut aussi être un problème. Tous les pays ne peuvent pas se permettre davantage d’agents douaniers ou de biosécurité aux frontières ou de programmes visant à contenir la propagation des espèces envahissantes.

L’ensemble du rapport fait environ 3000 pages et faire approuver le résumé par les pays membres n’a pas été facile, selon le professeur Stoett. Les négociations avec les délégués ont duré quatre jours la semaine dernière.

« Nous ne disons pas aux gouvernements quoi faire, mais nous leur disons ce qu’ils peuvent faire. Si nous pouvons prévenir ces problèmes dès le départ, c’est là que nous serons rentables. »