Une action collective contre la Fonderie Horne et le gouvernement

MONTRÉAL — Un cabinet d’avocats a déposé lundi en Cour supérieure une demande d’action collective contre la multinationale Glencore, propriétaire de la Fonderie Horne, et le gouvernement du Québec.

Les demandeurs reprochent à la Fonderie Horne «d’avoir émis dans l’environnement un cocktail de contaminants toxiques et cancérigènes qui dépassaient et dépassent toujours largement les normes de qualité d’air en vigueur au Québec, portant ainsi atteinte à leurs droits fondamentaux».

Ils reprochent au gouvernement d’avoir omis d’imposer les mesures adéquates pour protéger la population de Rouyn-Noranda «des effets néfastes d’une exposition à un cocktail de contaminants toxiques et cancérigènes».

Les initiateurs du recours, Julie Fortier et Miguel Charlebois, sont deux résidants de Rouyn-Noranda.

Ils sont représentés par le cabinet d’avocats Siskinds Desmeules.

Une des avocates de la firme, Me Caroline Perrault, a expliqué que les demandeurs ne réclament pas de compensation pour des dommages corporels, mais plutôt pour des préjudices moraux et matériels.

«Premièrement, il faudrait que nos représentants soient atteints d’une maladie et ce n’est pas le cas» et «on a constaté que la pente allait être trop abrupte à remonter pour démontrer une certaine causalité (entre les émissions polluantes et des dommages corporels), dans la mesure où les études démontrent qu’il y a plusieurs types de maladies (…), par exemple le cancer, et il y a plusieurs types de cancers qui eux, peuvent avoir plusieurs sources», a expliqué Caroline Perrault.

Elle a précisé que «ça mettait vraiment un fardeau important de preuves» et «donc pour l’instant, on considérait que c’était prématuré d’aller de l’avant et que ça pouvait aussi occasionner des délais très importants».

Deux groupes de citoyens

Les demandeurs souhaitent intenter une action collective au nom de deux groupes.

Si un juge autorise l’action collective à aller de l’avant, ces groupes pourraient toutefois changer, a précisé Caroline Perrault.

Le premier groupe représenterait toutes les personnes ayant habité dans le quartier Notre-Dame de la Ville de Rouyn-Noranda, à un moment ou l’autre depuis 1er janvier 1991, comme Julie Fortier.

«Pour Mme Fortier, en dommages compensatoires, ça correspond à 226 000 $, et en en dommages punitifs, 80 500 $, donc, on est à peu près à 300 000 $», a indiqué Me Caroline Perrault.

Le deuxième groupe visé serait constitué des personnes ayant habité dans le périmètre d’urbanisation de la Ville de Rouyn-Noranda, à l’exclusion de quartier Notre-Dame, à un moment ou l’autre depuis le 1er janvier 1991, comme Miguel Charlebois.

Celui-ci réclame 135 000 $ en dommages compensatoires et 54 700 $ en dommages punitifs.

Régime d’indemnisation

Pour les personnes du groupe 1, le régime d’indemnisation proposé par les demandeurs inclut «1000 $ par mois d’occupation pendant la période d’exposition» à titre de dommages compensatoires.

Toujours pour le groupe 1, les demandeurs réclament «500 $ par mois d’occupation pour la période de 3 ans précédant le dépôt de la demande en autorisation jusqu’au jugement au fond, à titre de dommages compensatoires », et «un montant forfaitaire supplémentaire de 15 000 $ à titre de dommages compensatoires pour les personnes qui avaient des enfants sous leur garde.

Un montant de 250 $ par mois d’occupation pendant la période d’exposition est également demandé à titre de dommages punitifs.

Pour les personnes du groupe 2, les demandeurs veulent réclamer 500 $ par mois d’occupation pendant la période d’exposition à titre de dommages compensatoires et 500 $ par mois d’occupation «pour la période de 3 ans précédant le dépôt de la demande en autorisation jusqu’au jugement au fond», à titre de dommages compensatoires.

Ils veulent également que soit versé un montant supplémentaire de 7500 $ aux parents d’enfants de ce groupe à titre de dommages compensatoires .

Un montant de 250 $ par mois d’occupation pendant la période d’exposition est également demandé à titre de dommages punitifs, ainsi que le remboursement de «toutes pertes pécuniaires reliées à l’entretien de leur résidence, à la mitigation de l’exposition ou à la protection de leur santé».

Me Perrault invite les citoyens de Rouyn-Noranda à se présenter à une réunion d’information sur cette démarche le 16 novembre au Petit Théâtre du Vieux Noranda.

Le gouvernement «a commis une faute»

Selon les demandeurs, le gouvernement du Québec a commis une faute et causé préjudice aux membres du groupe, «puisque malgré les données disponibles et en sa possession, accumulées sur une quarantaine d’années, il a toléré et sciemment autorisé, tant de façon passive qu’expresse, que soient émis dans l’air par la Fonderie Horne des contaminants toxiques et cancérigènes au-delà des normes de qualité de l’atmosphère applicables au Québec destinées à protéger la santé humaine, et ce, pendant toute la période visée par le recours».

Les demandeurs font référence au plomb, au cadmium, au soufre et à l’arsenic.

Selon les demandeurs, le gouvernement n’a pas posé les gestes nécessaires pour demander à la fonderie de diminuer l’exposition de la population aux contaminants, alors que dès 1979, des rapports gouvernementaux faisaient état de risques.

Par exemple, à cette époque, l’un des rapports du Bureau d’études sur les substances toxiques rapportait ce qui suit: «Le problème relatif à l’arsenic à Rouyn-Noranda, du moins en ce qui concerne la santé publique, se limite principalement à la contamination de l’air ambiant par des substances particulaires. Ceci est d’autant plus important, que ces particules d’arsenic sont associées au SO2 (dioxyde de soufre) et à d’autres contaminants métalliques, notamment le plomb et le cadmium. Le risque qui est à craindre, dans une telle situation, c’est l’augmentation de l’incidence de cancer des voies respiratoires. Ce fait, associé aux résultats de l’étude de mortalité réalisée dans le cadre du projet Rouyn-Noranda, nous incite à recommander que des mesures concrètes soient prises afin de réduire l’émission, dans l’air ambiant, de SO2 et de matières particulaires.»

Des émissions liées au risque de cancer

Les émissions d’arsenic de la Fonderie Horne sont associées à un risque estimé accru de cancer.

À l’été 2022, un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) révélait que, sur une période de 70 ans, un nombre excédent de citoyens de Rouyn-Noranda, entre un et 14, développeraient un cancer si l’entreprise Glencore ne diminuait pas la concentration d’arsenic dans l’air produit par la fonderie.

En mars 2023, le gouvernement a exigé que la fonderie mette en place un plan qui lui permette de respecter la cible de 15 nanogrammes par mètre cube (ng/m3) d’arsenic à partir de 2027, ce qui serait, si la fonderie parvient à respecter la cible, cinq fois plus élevé que la norme environnementale, qui est de 3 ng/m3.

L’entente précédente avec Glencore, qui avait été signée avec le gouvernement libéral en 2017, permettait que les émissions d’arsenic de la fonderie atteignent une moyenne annuelle de 100 ng/m3, soit 33 fois plus que la norme.

Au printemps dernier, le gouvernement a également imposé à l’entreprise qu’elle présente un plan d’action d’ici 2027, pour éventuellement atteindre la norme 3 ng/m3.

Dans un échange avec La Presse Canadienne, la direction des communications du ministère de l’Environnement a indiqué prendre connaissance de la demande d’action collective, mais «comme il s’agit d’un dossier judiciarisé, nous ne formulerons pas de commentaire pour le moment».

Glencore a également indiqué qu’elle ne commentera pas le dossier en raison de sa nature juridique.