Une décision de Santé Canada sur la psilocybine est contestée en Cour fédérale

Un groupe de thérapeutes et de patients conteste en Cour fédérale la décision de Santé Canada de rejeter leur demande d’utiliser la psilocybine à des fins de formation professionnelle.

Santé Canada a rejeté le mois dernier de permettre à des professionnels de la santé d’accéder et de consommer de la psilocybine, le principe actif de certains champignons hallucinogènes. Ottawa estime que ces professionnels de la santé n’ont pas besoin d’essayer la psilocybine pour offrir une thérapie combinée à cette substance psychédélique.

Le groupe de 79 personnes — infirmières, médecins, psychothérapeutes et patients — a déposé vendredi en Cour fédérale une demande de révision judiciaire de cette décision de Santé Canada, a déclaré leur avocat.

Dans la requête, le groupe plaide qu’il y a très peu de professionnels de la santé au Canada qui sont formés à l’administration de psilocybine dans le cadre d’un traitement. Les requérants soutiennent que ces «quelques praticiens» formés sont incapables de répondre à «l’écrasante» demande des nombreux patients au Canada.

Or, les professionnels de la santé affirment qu’ils doivent absolument expérimenter eux-mêmes cette drogue «d’usage restreint» pour offrir aux patients un traitement complètement sécuritaire à la psilocybine.

Leur requête fait suite à une demande similaire déposée par 96 professionnels de la santé, qui avait été débattue en Cour fédérale en mars dernier; une décision dans cette affaire est attendue.

Cancer de stade 4

Nicholas Pope, l’avocat des professionnels de la santé et des patients dans les deux affaires, a déclaré que la dernière requête comprend notamment Thomas Hartle, un homme de 54 ans de la Saskatchewan, qui a été la première personne au Canada à obtenir de Santé Canada l’autorisation de suivre un traitement à la psilocybine.

M. Hartle est atteint d’un cancer en phase terminale de stade quatre et souffre de détresse en fin de vie, a déclaré Me Pope lors d’un entretien téléphonique. «Il a besoin d’un traitement tous les trois à six mois environ.»

Mais le malade n’est plus capable de prendre l’avion depuis Saskatoon jusqu’en Colombie-Britannique pour recevoir ce traitement. Or, il n’y a pas de professionnel de la santé adéquatement formé plus près de chez lui en Saskatchewan, a expliqué l’avocat.

Dans une déclaration sous serment déposée au tribunal, M. Hartle écrit que la thérapie combinée à la psilocybine a été efficace pour lui. Avant d’amorcer ce traitement, il était constamment dépressif et ne pensait qu’à sa «mort imminente», écrit-il.

Santé Canada n’a pas répondu vendredi à une demande de commentaires sur cette dernière contestation.

Dans le cadre d’une psychothérapie classique

Le traitement combiné à la psilocybine consiste à prendre, dans le cadre d’une psychothérapie plus classique, des substances altérant la conscience, comme la psilocybine, dans un cadre strictement clinique. Un professionnel de la santé formé et agréé propose ensuite une thérapie qui guide les patients pendant qu’ils ressentent les effets des produits psychédéliques ou hallucinogènes.

Plusieurs études évaluées par des pairs ont montré qu’une telle psychothérapie peut traiter de manière sécuritaire et efficace des patients souffrant de douleurs psychologiques et physiques qui autrement seraient résistantes aux traitements conventionnels.

En 2020, Santé Canada a commencé à accorder des exemptions à la «Loi réglementant certaines drogues et autres substances» aux patients souffrant de détresse psychologique en fin de vie, de dépression résistante au traitement conventionnel et de trouble dépressif majeur.

Dans la contestation précédente, en mars dernier, Me Pope avait plaidé que le Canada violait les droits de centaines de patients en créant un obstacle pour les médecins qui tentaient d’obtenir une formation sur la façon de prodiguer ce traitement, augmentant ainsi la liste d’attente de patients volontaires. «Des patients sur une liste d’attente ont témoigné qu’ils avaient envisagé ou tenté de se suicider», avait plaidé Me Pope en Cour fédérale.

Pour Santé Canada, rien ne prouve que les thérapeutes doivent essayer la psilocybine pour offrir un traitement plus efficace. L’avocate Jennifer Francis a également plaidé que selon le ministre fédéral de la Santé, les professionnels font des «déclarations radicales et concluantes sur l’état des preuves scientifiques» concernant ces substances psychédéliques.

Me Pope s’attend «très prochainement» à une décision sur la requête de mars dernier. «J’espère que si nous obtenons gain de cause, le gouvernement fera ce qu’il faut» dans la deuxième contestation, a-t-il déclaré.