Une entrevue de la pdg de la CBC jette l’inquiétude dans les salles de nouvelles

OTTAWA — Catherine Tait, la pdg de la CBC/Société Radio-Canada a jeté l’émoi dans les salles de nouvelles de la société d’État à la suite d’une entrevue qu’elle a accordée au Globe and Mail, indiquent des courriels à l’interne.

Certains cadres ont rapidement réfuté ses commentaires.

En février, le quotidien national avait rapporté que Mme Tait souhaitait que la CBC passe entièrement au numérique, abandonnant du même coup ses réseaux traditionnels de télévision et de radio. Toutefois, cette nouvelle orientation n’entrerait pas en vigueur au cours des dix prochaines années.

L’entrevue a aussi été publiée plusieurs mois après que la BBC eut annoncé des intentions similaires.

Un gestionnaire de la CBC a indiqué dans un courriel que cela ne serait pas le cas de la CBC/Radio-Canada. «Ce n’est pas la réalité pour nous, avait-il écrit. Même si nous établissions un plan à l’avance et adoptions la diffusion numérique, aucun Canadien ne serait laissé pour compte.»

Mme Tait a été nommée présidente-directrice générale (PDG) de CBC/Radio-Canada en juillet 2018 pour un mandat de cinq ans, ce qui est la norme pour cette fonction. Son mandat a été prolongé le mois dernier jusqu’au début de 2025.

Dans cette entrevue au Globe and Mail, Mme Tait avait également vertement critiqué le chef conservateur Pierre Poilievre, l’accusant de vouloir attaquer le diffuseur public à des fins de financement politique.

Des journalistes «ont exprimé des inquiétudes au sujet des opinions de Catherine [Tait] sur les campagnes politiques et l’opposition de Canadiens au financement de la CBC», peut-on lire dans un courriel.

George Achi, le responsable des normes journalistiques à la CBC, a tenté de rassurer les salles de rédaction en disant que les opinions de la direction n’influencent pas la couverture des nouvelles.

«Il va de soi que nous couvrons cette histoire avec la même justesse, la même précision, le même équilibre et la même approche fondée sur les faits que nos autres nouvelles», a-t-il écrit.

Dans un autre courriel, on notait que Mme Tait continuerait de parler de l’importance d’un diffuseur public avec des représentants de tous les partis politiques.

En 2021-22, la CBC a reçu plus de 1,2 milliard $ de financement du gouvernement. C’est le conseil de direction qui détermine comment cet argent est dépensé.

Un porte-parole de la CBC/Radio-Canada, Leon Mar, a indiqué que Mme Tait n’était pas disponible pour une entrevue. Il a ajouté que la société d’État ne commentait pas les conversations des employés à l’interne, «lesquelles sont de nature confidentielles».

L’entrevue du Globe and Mail avait également soulevé les inquiétudes d’un syndicat représentant des employés de la CBC.

Des courriels indiquent que la Guilde canadienne des médias comptait publier un communiqué au lendemain de l’article, mais elle a accepté d’en retarder la diffusion d’une journée dans l’attente d’une précision de la direction.

Le syndicat s’inquiétait notamment des pertes d’emploi, de la réduction des salles de nouvelles et de l’accroissement de la tache de travail pour les journalistes demeurant éventuellement en poste. Plusieurs membres lui ont demandé s’ils allaient toujours avoir un emploi dans dix ans.

Dans un autre courriel interne, Shaun Poulter, le directeur général, Stratégie, Affaires publiques et Relations gouvernementales, de CBC/Radio-Canada, a reconnu que le syndicat s’était senti «pris de court» et «trahi» par les déclarations de Mme Tait sur le numérique.

«Si quelqu’un peut lui parler, lui demander de lire l’article et ne pas se laisser prendre par les appâts à clic. Nous n’abandonnons pas la télévision et la radio, bordel de merde», a demandé M. Poulter dans un autre courriel. L’expression «bordel de merde» était en abrégé.

La Guide canadienne des médias, le syndicat qui représente une partie des employés de la CBC/Radio-Canada, n’a pas répondu à une demande d’entrevue.