Et si ce nul ouvrait finalement les portes toujours fermées pour Bazinyan?

MONTRÉAL — À première vue, la nulle partagée «encaissée» par Erik Bazinyan contre Shakeel Phinn, jeudi, au Cabaret du Casino de Montréal, semble être une très mauvaise nouvelle pour le Lavallois et Eye of the Tiger Management. Mais si elle ouvrait enfin les portes toujours fermées devant le super-moyen?

Après la victoire éclatante de Bazinyan (32-0-1, 23 K.-O.) face à Billi Facundo Godoy en janvier, Camille Estephan, président d’EOTTM et promoteur de Bazinyan, avait saupoudré sa conférence de presse des gros noms de la division. Mais les Jaime Mungia, Diego Pacheco, David Morrell et autres Canelo Alvarez ne se bousculent pas pour affronter le Québécois d’origine arménienne.

Ce match nul face à Phinn (26-3-2, 17 K.-O.) le rend-il maintenant plus attrayant? Plus vulnérable?

«Avec ce qu’ils ont vu [jeudi], c’est clair que les gars mieux classés que lui se disent maintenant: ‘On le prend!’, a affirmé Phinn après le combat. Ils vont dire qu’il s’est fait faire mal par un gars qui n’a pas une fiche fantastique. Oui, ils vont le prendre.»

Estephan et Marc Ramsay, l’entraîneur de Bazinyan, étaient plus nuancés. Mais aucun des deux n’a exclu qu’il s’agissait d’une réalité bien réelle.

«Peut-être que ce sera finalement une bonne chose, a admis Estephan. On pensait avec [Arslanbek] Makhmudov, qui a perdu un combat en Arabie saoudite, que ce serait plus facile d’organiser des combats après, mais ce n’est pas le cas. On verra.»

«J’ai vécu ça dans le passé, les deux sont possibles, a pour sa part raconté Ramsay. Parfois, une super performance, c’est ce qui fait en sorte que tu reçoives le coup de téléphone que tu attends. D’autres fois, quand tu parais plus vulnérable, [ça ouvre des portes]. J’ai vécu ça avec Jean Pascal. Après la défaite contre Carl Froch, on a reçu un appel du clan [d’Adrian] Diaconnu. Six mois plus tard, on était champion du monde. Il n’y a rien d’impossible.»

Samedi, dans le cadre des festivités entourant le Cinco de Mayo, fête nationale du Mexique, Saul «Canelo» Alvarez (60-2-2, 39 K.-O.), qui règne en roi et maître sur la division avec les quatre ceintures, se frottera à Jaime Munguia (43-0, 34 K.-O.) et mettra alors ses quatre titres en jeu. Peut-être que cette contre-performance de Bazinyan fera bouger les choses parmi l’élite des super-moyens.

Car il s’agit bien d’une contre-performance. Bazinyan, avant le combat de jeudi, était l’aspirant no 3 à la World Boxing Association (WBA), au World Boxing Council (WBC) et à la World Boxing Organization (WBO), ainsi que no 7 à l’International Boxing Federation (IBF) pour l’instant. Phinn n’était pas classé. Il pointait au 54e rang du classement de Boxrec.com. Bazinyan se devait d’inscrire une victoire convaincante à ses dépens.

«Je ne suis pas déçu, mais il y a des choses à revoir, a noté Ramsay. C’était un gros combat et je trouve qu’Erik a engagé le combat trop rapidement. Ce n’était pas à son avantage. Il y a des petites choses à travailler. Je pense encore qu’Erik est un meilleur boxeur, plus complet, mais c’est à nous de le prouver.

«Malgré que ce soit parti rapidement, on contrôlait les premiers rounds, on réussissait à mieux boxer que lui. À un moment donné, il s’est approché plus rapidement et Erik a passé plus de temps dans les câbles. Ça, j’ai moins apprécié ça. J’ai tenté de le réveiller avec quelques ‘électrochocs’ dans le coin.»

«Ça aurait pu être pire. On est déçu, je m’attendais à beaucoup plus que ça de la part d’Erik, a pour sa part admis Estephan. Ce n’était pas sa meilleure performance. Mais il faut donner le crédit à Shakeel, il voulait vraiment la victoire. C’est ce qui est le fun dans les combats locaux: ça va chercher les meilleures performances de gars qui sont souvent sous-estimés. Ça nous donne peut-être envie d’en faire un deuxième.»

Avec le recul, mettrait-il encore son protégé dans les pattes de Phinn?

«Il fallait qu’il se batte. On ne peut pas juste attendre après les gars mieux classés. Ce n’est pas une défaite. C’est une nulle, ce n’est pas idéal, mais peut-être a-t-il appris des choses dans ce combat qui vont lui servir dans le futur. Est-ce que je suis content? Non. Est-ce que je vais dormir ce soir? Non plus. C’est un goût amer, très amer. Mais une défaite aurait été catastrophique.»

Ramsay craint-il de retrouver un boxeur abattu à son retour dans le gymnase?

«Ça fait partie du métier et les vrais champions sont capables de se regarder dans le miroir, de savoir ce qu’ils ont à travailler. Si tu vois ça d’une autre façon, la boxe, ce n’est pas ta place.»

On saura bientôt où est la place de Bazinyan.