Les Gémeaux reviennent aux catégories genrées pour les prix d’interprétation

MONTRÉAL — Les catégories non genrées des Gémeaux, qui avaient suscité la controverse au dernier gala, sont choses du passé: l’académie annonce le retour des prix d’interprétation féminins et masculins en 2024.

L’Académie canadienne du cinéma et de la télévision du Québec a annoncé jeudi quelques changements pour le prochain gala, dont l’abandon des catégories d’interprétation où les interprètes féminins et masculins se disputaient un seul prix. 

Dans un communiqué, l’académie dit avoir pris cette décision à la suite «d’une révision des catégories par des comités d’experts et de la mise sur pied de plusieurs consultations effectuées auprès de ses membres et des gens de l’industrie».

«L’Académie prend en considération l’avis de ses membres et a comme mission de réviser chaque année les règlements et les catégories des prix Gémeaux afin d’être en adéquation avec le paysage télévisuel et numérique d’aujourd’hui», ajoute-t-on.

Le nombre de prix passe donc de 91 à 109. 

L’an passé, la décision de retirer les catégories genrées a été prise notamment pour réduire le nombre de prix ainsi que par souci d’inclusion. 

Chantal Côté, directrice générale de l’Académie, section Québec, est entrée en poste à la fin du mois d’août en 2023, après la décision de fusionner certaines catégories. Elle avance que l’an dernier, ily avait une volonté d’être plus inclusif. «Le bureau de Toronto à l’Académie pour les Prix écrans canadiens prenait ce virage», a-t-elle indiqué en entrevue avec La Presse Canadienne. 

«Je n’étais pas là à ce moment-là, mais je pense que l’exercice premier qui avait été fait est un exercice de révision qui se fait à chaque année, après chacun des galas, a-t-elle déclaré. Il y a toujours un moment où l’Académie se rassoit et révise ses catégories et son cahier de règlements parce que notre industrie est en mouvance, notre industrie bouge, et il faut s’ajuster, il faut parfois refusionner ou défusionner.»

Mme Côté a indiqué qu’il y avait auparavant 143 prix remis et que les membres se sont plaints qu’il y en avait trop. Selon eux, il fallait réduire le nombre de prix puisque cela enlevait du prestige.  

Des préoccupations légitimes

En plus de la controverse sur les nouvelles catégories, le dernier gala des Gémeaux avait suscité la grogne de plusieurs producteurs, dont les émissions avaient été presque blanchies lors de la cérémonie.

Le quotidien «La Presse» avait annoncé plus tard que les producteurs Alexis Durand-Brault et Sophie Lorain, d’ALSO Productions, avaient décidé de ne plus participer au gala, tout comme la productrice Fabienne Larouche qui avait choisi de ne pas réinscrire sa populaire émission «STAT».

Questionnée à savoir si le mécontentement affiché de la part de certains producteurs, notamment en refusant de participer au concours du gala, avait pesé dans la décision de ramener les catégories mixtes, Mme Côté a répondu que cela n’avait pas influencé les changements de cette année. 

«On a sondé nos membres, les Grands Jurys, le comité expert, le grand comité de révision, et pour être très honnête, c’était quand même nuancé, mais la majorité – et on est allé avec la majorité – souhaitait le retour des catégories d’interprétation féminine et masculine en télé», a affirmé Mme Côté. 

Elle n’exclut pas qu’il y ait un jour un retour des catégories non genrées. «Tout est possible», résume-t-elle. 

Jen Viens, qui est dans la direction de la section montréalaise de l’Alliance des artistes canadiens du cinéma, de la télévision et de la radio, un syndicat d’artistes-interprètes communément appelé ACTRA, estime qu’«il n’y a pas de réponse unique» aux prix inclusifs. 

Jen Viens, qui est également à la tête du comité LGBTQ+ de l’ACTRA Montréal, croit qu’il est légitime que certains acteurs de l’industrie du divertissement se préoccupent de l’abolition des catégories genrées, ce qui pourrait entraîner une surreprésentation des artistes masculins, qui, selon Jen Viens, occupent historiquement plus de rôles et obtiennent plus de temps à l’écran.

«Il y a un risque et une crainte que moins de femmes, moins de personnes non binaires, moins de personnes transgenres gagnent des prix», a déclaré Jen Viens dans une entrevue. 

Jen Viens décrit le débat sur les catégories de prix comme un symptôme d’un problème plus large lié au manque d’histoires mettant en scène des femmes, des personnages non binaires et transgenres et des artistes dans l’industrie. 

Mais Jen Viens se dit encouragé par l’engagement de l’Académie à revoir les règles de remise des prix chaque année. «C’est une chose qui me donne de l’espoir, a déclaré Jen Viens. Il s’agit d’une nouvelle tentative et ce n’est pas une fin en soi. C’est un processus.»

Fin des cotes d’écoute pour des catégories

L’académie annonce par ailleurs que les cotes d’écoute représenteront maintenant 10 % de la pondération dans la sélection des gagnants pour les catégories «Meilleure série dramatique annuelle» et «Meilleure série dramatique quotidienne». Le vote des Grands Jurys comptera pour 70 % et le vote général des membres votants de l’académie, pour 20 %.

L’an dernier, pour toutes les catégories d’émissions, les cotes d’écoute représentaient 20 % du vote. 

Cette année, pour toutes les autres catégories d’émissions, les cotes d’écoute ne seront plus comptabilisées; les Grands Jurys représenteront 70 % du vote, contre 30 % pour les votes de l’académie.

Il y a environ de 170 à 200 personnes qui font partie des Grands Jurys. Chaque catégorie compte de cinq à six membres dont obligatoirement un producteur, un réalisateur et un scénariste. 

Mme Côté explique que les cotes d’écoute pour les émissions étaient à l’origine une sorte de «vote» du public, mais que les habitudes des téléspectateurs étant en transformation, le processus de points doit aussi évoluer. 

«Les Prix Gémeaux, ce qu’ils veulent, c’est récompenser l’excellence et les cotes d’écoute exceptionnelles étaient considérées comme une preuve d’excellence. On pense que ça s’applique davantage aux séries quotidiennes et annuelles dramatiques et peut-être moins aux autres genres», a expliqué Mme Côté. 

Par exemple, pour les séries dramatiques non quotidiennes ou annuelles, les diffuseurs ont d’autres stratégies de diffusion. Ils mettent souvent tout leur contenu sur une plateforme de diffusion en ligne. «Si la période où un producteur va inscrire une série n’est pas disponible sur la télé conventionnelle, il n’y a pas de cote d’écoute d’attachée. Ils partaient donc défavorisés», a précisé Mme Côté. 

Les comités d’experts ont ainsi recommandé d’enlever la pondération pour les cotes d’écoute à l’exception des catégories «Meilleure série dramatique annuelle» et «Meilleure série dramatique quotidienne».

«On les garde pour (ces catégories) parce que ça récompense l’excellence, parce que c’est une locomotive ces séries, parce que c’est exceptionnel les cotes d’écoute que ces émissions font, elles sont rassembleuses, il y a beaucoup de gens qui les écoutes. On pense que ce 10 % est un petit peu la voix du public», a mentionné Mme Côté. 

Elle dit avoir hâte au gala de cette année et encore croire en la mission du gala des Prix Gémeaux qui permet au public de découvrir des contenus et des talents. 

— Avec des informations de Thomas MacDonald.