Alain Larouche:  30 ans à semer les graines touristiques des Cantons-de-l’Est

PORTRAIT. Lorsque Alain Larouche s’est pointé en région pour occuper le poste de directeur général de Tourisme Cantons-de-l’Est, il s’amenait avec l’idée d’y demeurer pendant deux ans, le temps de redresser la barque et lui redonner une direction. Finalement, il y sera demeuré durant 30 ans. Portrait d’un homme qui a semé les graines touristiques pendant trois décennies.

Comment expliquer qu’un détenteur d’une maîtrise en anthropologie de l’Université York (Toronto) soit littéralement tombé dans la marmite du tourisme? Quel est le lien entre l’anthropologie et le tourisme?  «Pour moi, il y a toujours eu un lien entre l’anthropologie et le tourisme, en ce sens qu’il y a toujours, à la base, ce désir irrésistible d’aller à la rencontre de d’autres cultures. On veut savoir comment ils vivent, savoir ce qu’ils mangent et ce qu’ils font pour gagner leur vie», répond Alain Larouche.

Ce dernier fait remarquer que le tourisme a atteint des sommets inégalés dans le monde avec plus de 1 milliard de visiteurs qui se déplacent d’un pays à l’autre. «On enregistre une croissance de 4 % à 6 % chaque année. Même un épisode comme le World Trade Center ne peut pas arrêter cette soif de découvrir d’autres cultures. C’est sûr qu’il faut des attractions et des services pour faciliter nos séjours, mais à la base, les gens sont curieux de découvrir les différentes cultures.

C’est d’abord dans sa région natale, le Lac Saint-Jean, que Alain Larouche s’est laissé courtiser par le tourisme. Directeur des Croisières Piekouagami, il a rapidement accédé à la présidence du conseil d’administration de Tourisme Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Mais notre homme avait soif de défis et a sauté sur l’occasion de s’amener en Estrie. «Quand je suis arrivé, la région était en ébullition, raconte Alain Larouche. Le Domaine St-Laurent de Compton avait une bonne vitesse et on a assisté à la naissance du centre de villégiature de Chéribourg, du Manoir des Sables, du Château Bromont, etc.  Il y avait un potentiel extraordinaire, nous étions témoins d’une explosion du développement hôtellier.»

Mais les crises se sont par la suite succédées. Le crash boursier de 1987, la crise économique qui s’en est suivie, l’arrivée d’Internet, l’attaque terroriste du World Trade Center et la guerre en Irak ont créé passablement d’obstruction et de questionnements. Finalement, la période 1987-2002 en aura été une de défrichage.

Consolidation

Mais la période 2003-2015 en sera une de consolidation pour le tourisme dans les Cantons-de-l’Est. À cet effet, Alain Larouche demeure convaincu que l’un des points tournants du développement fut sans contredit l’adoption de la taxe spécifique (2.00 $ par chambre) sur l’hébergement. Cette taxe a permis de doter la région d’un fonds majeur. «Le temps était venue d’investir dans notre offre touristique. En bout de ligne, ce fonds a permis d’appuyer 83 projets et a généré des investissements totaux de 68 M$. La taxe en hébergement nous avait procuré une somme de 1,8 M$, mais cette somme avait été doublée par Tourisme Québec et le ministère de la Culture.

La nouvelle tendance qui se dessine depuis dix ans a ouvert d’autres avenues. Le tourisme gourmand s’imprègne peu à peu. Des concepts, tels que Créateurs de saveurs, Cafés de village et Cœurs villageois, de même que les routes des vins, des Cantons et des Sommets sont devenus des marques de commerce.

«On a assisté à des transformations majeures depuis 30 ans, insiste Alain Larouche. Et nous avons réalisé tout ça ensemble, avec l’assentiment des communautés, sans rien brusquer. C’est fascinant de voir une communauté se sculpter à son image. Mais elle doit le faire à son rythme et en respectant ses origines. Quand on développe, il faut le faire de façon réaliste de façon à bâtir des assises solides. Ça se fait en apprivoisant une population.»

Les retombées économiques se chiffraient à quelque 150 M$ en 1987, à son arrivée dans les Cantons-de-l’Est. En 2020, elles atteindront un milliard de dollars. En 1987, le nombre de visiteurs s’élevait à quelque 3 millions de visiteurs. Ils sont aujourd’hui 9 millions à s’arrêter dans les Cantons-de-l’Est. Que de chemin parcouru!

Maintenant âgé dans la jeune soixantaine, Alain Larouche quitte ses fonctions avec un lourd bagage de connaissances. Il veut d’abord se donner du temps, et voyager d’un continent à l’autre. Mais soyez sans crainte, on le reverra dans le réseau touristique. Probablement à titre d’expert stratégique. Où ? Vraisemblablement au bénéfice des villes francophones du monde qu’il affectionne particulièrement.

Alain Larouche, précisons-le, quittera officiellement ses fonctions le 3 septembre.