Amende salée pour un automobiliste

Deux ans après le décès de trois membres du Club de triathlon de Saint-Lambert en bordure de la route 112, à la hauteur de Rougemont, le partage équitable de la route entre automobilistes et cyclistes est loin d’être chose faite. Un cycliste de Farnham l’a appris à ses dépens, le mois dernier, alors qu’il roulait en bordure d’une route secondaire en compagnie de son épouse.

«Ma femme et moi avons été frôlés de très près par un automobiliste qui, de toute évidence, n’a aucun respect pour les cyclistes. L’homme s’est même permis de nous menacer du poing. Son geste m’a tellement mis en furie que j’ai décidé d’appeler la police et de porter plainte», indique le Farnhamien d’une soixantaine d’années, qui préfère garder l’anonymat, par peur de représailles.

Une policière s’est rendue sur place pour rencontrer le cycliste et prendre sa déposition. Elle a ensuite rencontré le conducteur du véhicule pour connaître sa version des faits.

L’automobiliste en question a écopé d’une amende de 1 200$ en vertu de l’article 327 du Code la sécurité routière. Cet article stipule que «toute vitesse ou toute action susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes (…) est prohibée».

Les statistiques de la SQ de Brome-Missisquoi ne précisent pas si les billets de contravention de 1 200 $ émises par le passé en vertu de l’article 327 concernaient des incidents impliquant des cyclistes, des piétons ou d’autres automobilistes.

«Sur la base de ces statistiques, nous ne sommes pas en mesure de déterminer si une amende de 1 200 $ a déjà été émise pour un geste menaçant la sécurité d’un cycliste. Il nous est donc impossible de déterminer s’il s’agit d’une première dans la région», indique Aurélie Gindon, agente de communication à la SQ de l’Estrie.

Le plaignant est également passé bien près de recevoir un billet de contravention à son tour, le témoignace de l’automobiliste laissant entendre que le cycliste et sa conjointe roulaient en double sur la chaussée. Le plaignant s’en serait finalement tiré sans aucune pénalité après avoir réussi à démontrer qu’il n’y a pas d’espace suffisant pour une automobile et deux vélos dans une même voie.

«Les cyclistes ne devraient pas hésiter à porter plainte lorsqu’ils croient avoir été victimes d’une manœuvre dangereuse. Ça démontrerait aux autorités qu’il y a encore de la négligence de la part de certains automobilistes et que les demandes de la Fédération québécoise des sports cyclistes sont tout à fait justifiées», insiste-t-il.

Ce dernier prend soin de rappeler que la vitesse de déplacement sur les pistes cyclables est limitée à 25km/h et que l’usage de ces pistes est interdit aux cyclistes qui dépassent cette limite. La présence des sprinters sur les voies cyclables nuirait en effet à la sécurité des randonneurs qui circulent à basse vitesse, seuls, en couple ou en famille.

«Voilà pourquoi les cyclistes plus rapides sont tenus de partager la route avec les automobilistes. Ils sont bien conscients de leur vulnérabilité et ne le font pas par simple plaisir, croyez-moi», poursuit le sexagénaire qui parcourt plus de 5 000 km à vélo bon an, mal an.

Quelques recommandations

Le cycliste de Farnham se garde bien de lancer la pierre à tous les automobilistes et reconnaît avoir été victime d’un geste isolé.

«Il y a eu amélioration au cours des dernières années. Les automobilistes qui font preuve de courtoisie à l’endroit des cyclistes sont de plus en plus nombreux. Toutefois, s’il n’y a qu’un automobiliste sur cinquante qui se permet encore de frôler les cyclistes au passage, c’en est un de trop!», insiste le plaignant.

Au lendemain de l’entrée en vigueur de la Loi sur le corridor de sécurité, une disposition législative qui force les automobilistes québécois à changer de voie ou à ralentir quand ils dépassent un véhicule d’urgence en service sur l’accotement de la route, le Farnhamien aimerait bien que la Société d’assurance automobile du Québec orchestre une campagne de publicité sur les obligations des automobilistes.

«Beaucoup de gens ignorent encore qu’un automobiliste ne peut dépasser un cycliste à l’intérieur de la même voie de circulation que s’il y a un espace suffisant pour permettre le dépassement sans danger. L’article 341 du Code de la sécurité routière est pourtant très clair à ce sujet, mais plusieurs personnes n’en connaissent pas l’existence», déplore-t-il.

En vertu de ce règlement, un automobiliste qui coince un cycliste de trop près s’expose à une amende de 200$ à 300$, plus des frais.

Le principal intéressé tient également à rappeler que l’article 344 du Code de la sécurité routière stipule qu’un automobiliste peut empiéter dans la voie inverse, lors du dépassement d’un cycliste, à condition qu’il puisse effectuer cette manœuvre sans mettre en danger les autres usagers de la route.

Des panneaux plus explicites

Le Farnhamien verrait par ailleurs d’un bon œil l’installation de panneaux de signalisation plus explicites.

«Au Québec, les panneaux invitent automobilistes et cyclistes à partager la route, mais ne fournissent aucune indication sur la distance à respecter. On aurait avantage à s’inspirer de la signalisation de certains pays européens et de certains états américains», insiste-t-il.

Lors d’une consultation sur le projet de loi 71, modifiant le Code de la sécurité routière, la Fédération québécoise des sports cyclistes recommandait notamment d’apporter des précisions à la notion d’espace suffisant en suggérant une distance minimale (un mètre  en ville et un mètre et demi sur les routes rurales) pour garantir un dépassement sans danger.