Brome-Missisquoi: NON au 3e bac!

Les citoyens de Brome-Missisquoi n’auront pas à s’embarrasser d’un troisième bac pour la collecte de la matière organique destinée à alimenter la future usine de biométhanisation du rang Saint-Joseph. D’ici 2020, ils pourraient cependant être appelés à déposer leurs déchets de table, feuilles mortes et retailles de gazon dans des sacs de couleur spécialement prévus à cet effet.

La Régie intermunicipale d’élimination des déchets solides de Brome-Missisquoi (RIEDSBM) rejette l’idée d’un troisième bac (communément appelé bac brun) pour la matière organique, comme on en retrouve déjà à Saint-Hyacinthe, Sherbrooke, Victoriaville et Québec. Elle privilégie plutôt la distribution de sacs de différentes couleurs dans lesquels les citoyens seraient invités à insérer leurs matières organiques (un sac rouge par exemple) et les résidus domestiques non recyclables (un sac vert par exemple). Les sacs rouges et verts seraient ensuite déposés dans le bac des ordures ménagères.

«En Suède, on utilise jusqu’à six sacs de couleur différente (un pour le papier, un pour le verre, un pour le plastique, un pour les matières organiques, etc.), qui sont tous déposés dans un seul et même bac. La Régie a voulu s’inspirer de cette pratique», explique la directrice générale de la RIEDSBM, Brigitte Nadeau.

Au dire de cette dernière, la mise en commun des matières organiques (sac rouge) et des ordures ménagères (sac vert) dans un même bac élimine la nécessité d’une troisième collecte.

«Comme on sait que le transport produit beaucoup de GES, l’élimination d’une collecte est une belle façon de réduire la pollution», ajoute la directrice générale.

Le maire de Cowansville et préfet de la MRC de Brome-Missisquoi, Arthur Fauteux, continue de croire qu’un tri individuel, fait à domicile, est préférable à la mise en place d’un système de tri collectif qui, selon lui, finit par déresponsabiliser le citoyen.

«Le recours à un centre de tri est un processus coûteux, car il nécessite du personnel additionnel et un bâtiment de plus grandes dimensions», explique M.Fauteux.

La quasi-totalité des municipalités de la MRC de Brome-Missisquoi et deux autres municipalités de l’extérieur ayant recours aux services de la RIEDSBM ont déjà signé une lettre d’intention par laquelle elles s’engagent à utiliser les sacs de couleurs. Ces lettres d’intention ont été déposées au MDDEFP, avec la demande de subvention.

«La mise à jour de notre étude de faisabilité, déposée au ministère, fournit neuf scénarios de valorisation des matières organiques (avec ou sans bac brun, avec ou sans tri optique, etc.), mais aucun des scénarios envisagés ne privilégie le compostage comme seule et unique opération. La RIEDSBM croit fermement aux avantages de la biométhanisation», insiste Mme Nadeau.

Le préfet de la MRC de Brome-Missisquoi abonde dans le même sens…

«Il n’y pas d’avenir dans l’enfouissement et le potentiel du compostage comme source de revenu semble plutôt limité. La construction d’une usine de biométhanisation m’apparaît donc toujours souhaitable, fait encore faut-il trouver le scénario gagnant, J’ai confiance que l’équipe en place saura faire le bon choix», ajoute M.Fauteux.

Une usine de plus de 25M $

Malgré les modifications apportées au programme gouvernemental d’aide financière pour la valorisation des matières organiques, la RIEDSBM croit plus que jamais aux mérites de son projet d’implantation d’une usine de biométhanisation à Cowansville et n’entend pas lâcher prise.

La directrice générale de la RIEDSBM, Brigitte Nadeau, estime que le gouvernement a posé le bon geste en renouvelant le programme d’aide financière pour la mise en place d’installations spécialisées dans le traitement de la matière organique par biométhanisation ou compostage. D’ailleurs, le gouvernement a majoré de 9,50$ à 9,69$ / tonne métrique la taxe sur l’enfouissement destinée à financer ce programme. Une mesure qui prendra effet en juillet prochain.

Mme Nadeau accueille cependant avec un certain scepticisme le nouveau cadre financier proposé par Québec et laisse entendre que la réduction des fonds alloués pour chaque tonne de matière organique traitée pourrait compromettre la viabilité de plusieurs projets actuellement sur la table.

«L’aide financière pour les dépenses admissibles passe de 1 500$/ tonne métrique de matière organique à traiter (cadre normatif d’origine) à 800$/ tonne métrique (nouveau cadre normatif). La différence est significative», résume la principale intéressée, qui entend se rendre à Québec, la semaine prochaine, pour défendre sa position.

Dans sa demande d’aide financière, la RIEDSBM souligne que le coût de construction d’une usine de biométhanisation, pouvant traiter jusqu’à 20 000 tonnes de matière organique par année, est relativement élevé (entre 25M $ et 40M $). Selon la Régie, il serait difficile de faire accepter cet investissement par une communauté.

Le maire de Cowansville est du même avis…

«Le gouvernement du Québec, dit-il, a décidé d’abaisser sa contribution financière afin d’être en mesure de soutenir davantage de projets. Il faudra faire avec cette nouvelle réalité.»

«La réalité québécoise, voulant que de grands gisements de matières organiques soient difficiles à constituer, nécessite la présence de subventions importantes pour les infrastructures afin d’assurer la viabilité des projets», peut-on lire dans le document soumis par la RIEDSBM à l’attention du ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP).

Retombées du projet

La RIEDSBM estime que son projet d’usine de biométhanisation pourrait contribuer de façon positive aux objectifs environnementaux de gestion responsable des résidus et de réduction des gaz à effet de serre (GES) par la production d’un carburant renouvelable et d’un digestat (compost) pouvant servir à enrichir les terres agricoles de la région de Brome-Missisquoi.

Selon la RIEDSBM, le digestat provenant de la matière organique générée par le secteur résidentiel (déchets de table, feuilles mortes, retailles de gazon) et les industries-commerces-institutions (ICI) pourrait être pris en charge par les agriculteurs qui l’utiliseraient comme fertilisants et amendements de leurs sols.

«Les représentants du DuraClub de Bedford, que nous avons rencontrés en septembre dernier, se disent très intéressés par le digestat issu de l’usine de biométhanisation, auquel les agriculteurs pourraient incorporer du fumier ou du lisier dans une proportion d’un pour dix», signale Mme Nadeau.

Le digestat produit par les boues des fosses septiques et des stations d’épuration des eaux usées n’est pas utilisable en agriculture, mais pourrait cependant servir à recouvrir les déchets acheminés au site d’enfouissement du rang Saint-Joseph.

Les biogaz produits par la décomposition des résidus verts (1,8 million de mètres cubes) et les biogaz émanant du site d’enfouissement déjà existant (2,25 millions de mètres cubes) pourraient être transformés en biométhane avant d’être liquéfiés.

«La production de méthane servira à alimenter les camions lourds utilisés pour le transport, principale source de GES au Québec. Selon le scénario idéal, les camions utilisés pour le transport des matières organiques (et des ordures ménagères) jusqu’au site pourraient faire le plein de carburant (biométhane) sur place avant de reprendre la route. La boucle serait ainsi bouclée», précise la directrice générale de la RIEDSBM.