Brome-Missisquoi: le secteur de la restauration en mode réflexion

ÉCONOMIE. Faibles salaires, horaires atypiques, longues formations, absence de valorisation, les causes de la pénurie de travailleurs dans le domaine de la restauration sont aussi nombreuses que difficiles à solutionner.

Même si le nombre d’établissements (environ 20 000) reste relativement stable, le secteur de la restauration au Québec est en perpétuelle mutation.

«Pas moins des trois quarts des restaurants ferment leurs portes avant leur huitième année d’opération. On dénombre en moyenne 300 faillites de restos chaque année au Québec. Cette situation s’explique notamment par les faibles marges bénéficiaires (3 % avant impôts) et le nombre élevé d’établissements indépendants (65 % au Québec contre 50 % en Ontario) par rapport aux grandes chaînes», affirme  Martin Vézina, de l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ).

Denis Beauchamp, du CLD de Brome-Missisquoi, abonde dans le même sens.

«La capacité d’attraction des entreprises indépendantes et des grandes chaînes hôtelières comme Fairmont ne sont aucunement comparables. Or, il y a peu de bannières au Québec en dehors des grands centres», explique-t-il.

Les salaires offerts aux employés de cuisine sont par ailleurs relativement bas et les restaurateurs peuvent difficilement les augmenter sans refiler la facture à leur clientèle.

Le personnel du secteur de la restauration travaille également les soirs et les fins de semaine.

Pistes de solution

Certains acteurs de l’industrie estiment que le partage des pourboires entre les employés d’un même établissement est une piste de solution. C’est notamment le cas de l’ARQ.

«Un employé en salle gagne entre 25 $ et 27 $ de l’heure avec les pourboires alors qu’un cuisinier doit se contenter d’un taux horaire de 15 $ ou 16 $. Le partage des pourboires permettrait de réduire l’écart entre les deux groupes de travailleurs, mais l’article 50 de la Loi sur les normes du travail interdit aux restaurateurs toute intervention en ce sens», indique M. Vézina.

Ce dernier laisse entendre que certains établissements ont tenté l’expérience avec succès après que tous leurs employés se soient mis d’accord sur la formule.

«Le partage des pourboires aide à développer l’esprit d’équipe. Les cuisiniers sortent les commandes plus rapidement, ce qui accélère le service et augmente le taux de rotation des tables», explique-t-il.

D’autres observateurs croient que l’aide pourrait aussi venir de l’immigration, en permettant aux étrangers d’obtenir plus facilement un permis de travail.

Denis Beauchamp insiste par ailleurs sur l’importance d’arrimer les horaires des établissements de formation avec les besoins de l’industrie.

«Les étudiants retournent sur les bancs d’école à la fin août alors que la saison touristique se prolonge jusqu’en octobre», explique-t-il.

Ce dernier est également d’avis qu’un partage des employés entre différentes entreprises saisonnières aiderait à réduire la pénurie de main-d’oeuvre en restauration.

Autres avenues

Une bonification du système de transport collectif dans Brome-Missisquoi pourrait contribuer à solutionner le problème.

«Plusieurs employés de cuisine n’ont pas les moyens d’avoir une auto, mais sont prêts à se déplacer sur de courtes distances si on leur en offre la possibilité», explique M. Beauchamp.

Jérôme Bossu, enseignant à l’École professionnelle des métiers de Saint-Jean-sur-Richelieu et formateur agréé en cuisine et hôtellerie, propose de son côté de réduire le nombre d’heures de formation académique et de miser davantage sur les stages en entreprise avec accompagnement. Celui-ci a notamment développé un programme de formation de 288 heures pour aides-cuisiners que l’on peut suivre sur une période de trois mois. Les cours de cuisine d’établissement, offerts par les centres de formation professionnelle, durent 1 470 heures et se donnent sur des périodes de 10 ou de 18 mois.

L’ARQ évoque également la possibilité de programmes de formation plus courts.

«L’ITHQ serait prête à aller dans cette voie-là», affirme M. Vézina.

Selon l’ARQ, on doit par ailleurs trouver le moyen de valoriser les emplois en cuisine et projeter une image plus positive de la profession.

«81 % des travailleurs de la restauration disent que leur employeur est accommodant et 68 % apprécient la stabilité de leur emploi. Les possibilités d’avancement – de simple garde-manger à chef – et le fort sentiment de camaraderie entre les employés sont deux autres points forts sur lesquels l’industrie aurait avantage à miser», ajoute M. Vézina.

M. Beauchamp croit lui aussi que les métiers liés à la restauration ne sont pas suffisamment valorisés.

«On a souvent l’‎impression que les employés de cuisine font ce travail en attendant de dénicher un meilleur emploi», illustre-t-il.