Jérémy Allard tient tête à l’intimidation
Du haut de ses neuf ans, Jérémy Allard a eu le courage de dénoncer ses intimidateurs et d’organiser une marche qui a rallié près d’un demi-millier de personnes à sa cause, l’intimidation dans les sports. Celui qui a reçu une médaille de l’Assemblée nationale en juin dernier ne souhaite maintenant qu’une seule chose: pratiquer le patinage artistique sans crainte de représailles.
Véritable passionné, Jérémy Allard a découvert le patinage artistique par hasard, en 2008, alors qu’il avait six ans. «Il a eu des patins en cadeau de Noël. Il était tout émerveillé. Sur la glace, il tombait et grognait et n’écoutait pas les consignes de son père», explique Josée Desrochers, la mère de Jérémy.
Son père Steeve Allard propose donc de l’inscrire au Club de patinage artistique à Saint-Césaire pour qu’il apprenne à patiner. Après trois semaines sur la mini-glace, Jérémy est déjà prêt à intégrer le groupe de l’étape 1. «À la fin de la première saison, il terminait l’étape 3», indique sa mère.
Malgré l’arrivée de l’été, Jérémy ne veut pas jouer au soccer, au baseball ou prendre part à un camp d’hockey. «Il voulait continuer le patinage artistique», enchaîne Mme Desrochers. Il a donc participé à un camp d’été du côté de Brossard. De retour à Saint-Césaire pour sa seconde année, il débute les compétitions. À sa première participation, il patine sur un medley musical de Michael Jackson et décroche la médaille d’or. À la fin de l’année, sa collection compte déjà cinq médailles.
En 2009-2010 et en 2010-2011, l’Association régionale de patinage artistique Richelieu-Yamaska (ARPARY) lui décerne le lauréat Jeunes Talents. Il est aussi sélectionné pour participer au camp provincial de la Fédération de patinage artistique du Québec. «Il y a beaucoup d’entraîneurs olympiques. C’est une forme de repérage. Ils regardent les futurs espoirs. Comme il ne faisait pas d’axel, il ne pouvait pas aller plus loin, mais il va continuer à être suivi par la Fédération», note sa mère. Jérémy est d’ailleurs au stade de pratiquer son lutz, un saut piqué et est à préparer son axel.
À la fin de l’année 2010, Jérémy commence à parler des Olympiques. C’est à ce moment, qu’il émet le souhait de changer d’entraîneur et qu’il quitte le Club de patinage de Saint-Césaire pour celui du Mont-Saint-Hilaire.
Intimidation
L’intimidation fait partie de la vie de Jérémy Allard depuis qu’il pratique son sport. «Ça a commencé à l’âge de six ans. Son professeur de maternelle m’a signalé que quelque chose clochait dans son comportement. Le soir, j’ai tâté le terrain. Il ne m’a rien dit. Lorsqu’il prenait son bain, il était agressif. Quand j’ai pris le shampoing rose, il a donné une claque sur la bouteille. Il disait qu’il n’était pas une fille, pas fif, qu’il ne voulait pas que je le savonne avec du shampoing rose. Il pleurait dans le bain», raconte la maman. «Tapette», «moumoune», «Hanna Montana», «fif», Jérémy a entendu toutes les insultes. «Un jour, il s’est rendu chez un ami et il est revenu bredouille en pleurant. Je lui ai demandé ce qu’il avait fait. J’ai appelé le parent. Il m’a dit que Jérémy n’avait rien fait et qu’il était préférable qu’il ne revienne pas pour ne pas que son gars passe pour une tapette parce que Jérémy en est une», témoigne Josée Desrochers.
Cela est sans compter les coups qu’il reçoit et les roches qu’il reçoit. En octobre dernier, un compagnon l’a fait trébucher sur le terrain de soccer. Étendu au sol, Jérémy a été piétiné. Des amis? Jérémy n’en a pas. Il n’a que des connaissances. Et encore.
En décembre dernier, il a rencontré Jasmin Roy à Saint-Césaire. «La meilleure chose qui fut arrivée dans la vie de Jérémy, c’est de le rencontrer. Ça a été son cadeau de Noël», enchaîne Josée Desrochers. C’est à ce moment que Jérémy parle de son projet d’organiser une marche contre l’intimidation contre le sport. Jasmin Roy acquiesce de ce pas.
Le 6 mai dernier, un demi-millier de personnes marchaient dans les rues de Sainte-Angèle-de-Monnoir en soutien à Jérémy. Jasmin Roy et l’ex-hockeyeur Georges Laraque étaient du nombre. Si l’intimidation envers Jérémy a arrêté à l’école, l’ignorance fait partie du quotidien de l’élève. «Ils n’ont pas plus joué avec lui. Ils l’ont ignoré. Ça fait aussi mal. C’est à quel prix qu’il peut avoir des amis», demande Mme Desrochers. «Zéro», répond du tac au tac Jérémy.
À l’aube de la rentrée scolaire, la famille Allard touche du bois pour que la poussière retombe. Jérémy, lui a peur que ça recommence et il ne veut pas que la manifestation soit oubliée. Avec l’aide de ses parents, il fait des démarches pour que le 6 mai devienne la journée officielle contre l’intimidation dans les sports. Il veut aussi qu’un programme soit mis en place à son club de patinage artistique afin que les ressources pour contrer l’intimidation soient connues. Il n’écarte pas non plus l’idée d’étendre son projet aux autres clubs de patinage.
Une médaille… gouvernementale
Le 6 juin, la famille Allard, Jérémy en tête, a été invitée à l’Assemblée nationale. Le garçon qui a fêté ses 9 ans le 23 juin dernier s’est vu remettre la médaille de l’Assemblée nationale. Celui qui fréquente l’école Jeanne-Mance à Sainte-Angèle-de-Monnoir a été ovationné par les 125 députés. «Tous les députés l’accrochaient dans le corridor pour le féliciter. C’est là qu’il a réalisé que c’était bien ce qu’il a fait», dit Josée Desrochers. «Il ne connait pas encore la valeur de sa médaille», enchaîne le père de Jérémy.
Porteur de drapeau aux Olympiques
S’il rêve d’aller aux Jeux olympiques, le jeune patineur artistique veut aussi être le porte-drapeau du Canada. Rien de moins. Celui qui excelle à l’école a littéralement changé son alimentation depuis la diffusion d’un reportage sur les habitudes alimentaires des athlètes. «Il donne son gâteau de fête aux autres et mange une salade de fruits», illustre sa mère.
Et il voue une admiration sans faille au Canadien Patrick Chan. Au printemps dernier, Jérémy Allard a religieusement suivi les Championnats du monde de patinage artistique. «Quand Patrick Chan a remporté la médaille d’or, il sautait dans le salon. Il était ému. Il avait les yeux pleins d’eau», raconte la maman. Et qu’est-ce qu’il veut faire plus tard? «Je ne travaillerai pas. Après les Olympiques, je vais enseigner le patin. Ce n’est pas du travail», conclut Jérémy.