La bijouterie Fournier quittera Bedford

Véritable institution, la bijouterie de Bedford fermera bientôt ses portes, après 85 ans d’existence. Sa propriétaire, Vera Stroebele, met la clé sous la porte en raison de problèmes de santé.

Pas facile d’opérer deux commerces, avec un jeune bébé. Mais quand la maladie s’en mêle, ça devient carrément impossible. La bijoutière Vera Stroebele a dû faire des choix déchirants, mais elle garde le moral et entend bien renouer avec la création de bijoux dans un avenir pas trop lointain.

La passion de Vera Stroebele pour les bijoux ne date pas d’hier. De 1996 à 2000, cette dernière a notamment travaillé à temps partiel à la bijouterie Fournier tout en poursuivant ses études secondaires à Bedford, puis à Farnham.

Sa connaissance des langues étrangères lui a par la suite ouvert les portes des hôtels Fairmount, où elle a pris en charge la collection de bijoux vendue en boutique. Son séjour à l’extérieur du Québec (Nouveau-Brunswick, Toronto et Vancouver) a duré cinq ans.

À l’automne 2005, la jeune femme originaire de Notre-Dame-de-Stanbridge a reçu l’appel d’Anne Tétreault, propriétaire de la bijouterie Fournier et amie de la famille. Cette dernière venait de franchir le cap des 60 ans et désirait vendre son commerce. Vera a regagné Bedford en novembre 2005 et la transaction a été finalisée en janvier 2006.

La nouvelle propriétaire a rénové le commerce de la rue Principale et «rajeuni» la ligne de bijoux de l’établissement, reléguant au second plan son intérêt pour la création.

À la fin de 2006, elle recommencé à fabriquer des bijoux sur demande tout en suivant des cours à l’école de gemmologie de Montréal. De fil en aiguille, elle a fini par créer sa propre collection de colliers, bracelets et boucles d’oreille à base d’argent fin et de matériaux haut de gamme (perles, verre de Murano, pierres semi-précieuses). Ses créations sont aujourd’hui en vente dans certaines bijouteries et boutiques spécialisées.

«Ma ligne de bijoux représente 25% du total de mes ventes. Toutes les pièces sont distinctes les unes des autres. Je ne fais jamais deux fois la même chose», précise la bijoutière de Bedford.

Un rythme de vie infernal

Vera Stroebele a ouvert une deuxième bijouterie, en novembre 2010, et fait la navette entre Cowansville et Bedford pendant une quinzaine de mois. Elle a finalement mis la clé dans la porte de son nouveau commerce, en février dernier, un mois avant la naissance de son fils Izak.

«J’étais sur le point d’accoucher et je travaillais encore 70 heures par semaine. Je ne me voyais pas conserver ce rythme avec un bébé. J’ai alors décidé de concentrer mes activités à Bedford, où j’habite encore pour quelques mois», explique la principale intéressée.

Vera Stroebele a été malade lors du week-end de Pâques, à l’occasion du mariage de sa belle-sœur, puis durant le mois suivant. On la croyait allergique aux produits laitiers.

Au début de juin, son mari l’a retrouvée inconsciente dans la salle de bain. Elle a été transportée à l’hôpital BMP, où on a diagnostiqué une pancréatite. Elle a été hospitalisée pendant huit jours.

Une semaine après son retour à la maison, elle a été victime d’une deuxième pancréatite et été hospitalisée pendant 18 jours. Elle a ensuite séjourné au CHUS pendant neuf autres jours.

«Ma deuxième pancréatite a affecté mon foie, mon estomac, mes intestins. Ça aurait pu être mortel si je n’avais pas été transportée d’urgence à BMP», ajoute-t-elle.

Vera Stroebele a suivi une diète liquide et perdu 70 livres en cinq mois. Elle est en attente d’une chirurgie depuis le 20 juin et a bon espoir de pouvoir passer sous le bistouri dans les prochains mois.

«Mon médecin m’a dit que si je travaillais plus de cinq heures par jour, j’étais faite. Le problème, c’est que j’ai beaucoup d’ouvrage – environ 70 polissages et réparations par semaine – et que ma belle-sœur, qui travaille également à la boutique de Bedford, nous quitte à son tour pour un congé de maternité», poursuit-elle.

Une décision difficile

À bout de ressources, Vera Stroebele a dû se résoudre à fermer la bijouterie de Bedford. Elle profitera des prochaines semaines pour liquider son stock avant de prendre un peu de repos. Elle devra également prévoir deux ou trois de convalescence, après la chirurgie.

«Si tout va bien, je devrais pouvoir me remettre à la création de bijoux au printemps 2013, tout en continuant à faire des réparations. Je poursuivrai mon travail au 191 de la rue Allen, à Philipsburg, juste en face du Manoir. Le garage de notre nouvelle maison sera converti en atelier-boutique. J’aurai également un coffre-fort sur place», précise-t-elle.

Mme Stroebele entend se départir du local commercial abritant la bijouterie de Bedford tout en conservant le nom de l’entreprise. Marie Bertrand, une fleuriste de cette localité, a par ailleurs accepté de prendre ses créations en consignation. La jeune femme bénéficiera ainsi d’une belle visibilité sur la rue Principale.

«J’aimerais également organiser des soirées bijoux, à la façon des soirées Tupperware. C’est une idée à moi, je ne connais encore personne qui fait ça», affirme la bijoutière dans la jeune trentaine, qui n’a rien perdu de son enthousiasme, malgré ses ennuis de santé.