Lac-Mégantic: le point sur les conséquences environnementales
Selon plusieurs, le drame de Lac-Mégantic pourrait s’inscrire parmi les pires désastres environnementaux du Québec. Au-delà de l’incendie et de la tragédie humaine, les 100 000 litres et plus de pétrole léger qui se sont écoulés dans le lac Mégantic et dans la rivière Chaudière ont un impact important sur l’air, le sol et l’eau.
D’abord, le panache de fumée dégagé par l’incendie a pu incommoder à court terme beaucoup de résidents sur place. Celui-ci contenait de fines particules de suie de gaz et d’autres produits de combustion tels que des hydrocarbures en suspensions dans l’air. L’Agence de la Santé et des Services sociaux a donc cru bon d’évacuer le secteur de Fatima afin d’éviter que les résidents puissent ressentir les effets provoqués par cette fumée, soit l’irritation des voies respiratoires, la toux, irritation des yeux et de la gorge.
«Outre ce panache de fumée, il y a un autre aspect à prendre en considération, mentionne André Belisle de l’Association québécoise de la lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA). En effet, les poussières projetées dans les maisons et les bâtiments sont composées de suie et de certains polluants que l’on nomme HAP», explique-t-il. Ceux-ci peuvent contenir des métaux lourds, de l’arsenic et autres matières réputées cancérigènes. Les dernières analyses effectuées par le ministère de l’Environnement confirment toutefois que le niveau de contamination de l’air est dorénavant à l’intérieur des limites acceptable.
Une opération de longue haleine
Évidemment, le sol de l’emplacement de l’incendie a été contaminé par une très grande quantité de pétrole. Une décontamination de l’endroit sera donc nécessaire afin d’éviter qu’elle ne s’aggrave. André Bélisle s’inquiète. «Il a plu ces derniers jours, ce qui facilite la pénétration du pétrole dans le sol. Hypothétiquement, il pourrait atteindre la nappe phréatique. On ne sait pas jusqu’où cela peut aller! Une chose est sûre, la décontamination exigera des coûts très élevés», avance-t-il.
Chez les agriculteurs, on s’interroge. Est-ce que les poussières et la suie provenant de la fumée peuvent causer des dommages à leurs récoltes ? Selon le ministère de l’Agriculture, aucun cas de contamination n’a encore été signalé. Par contre, Urgence Québec recommande aux citoyens de bien inspecter les fruits et légumes de leur potager et d’éviter de consommer ceux qui présenteraient une odeur de fumée. Le Ministère affirme toutefois qu’il procédera à d’autres analyses sous peu afin de les rassurer.
La rivière Chaudière
Parmi tous les milieux impactés, c’est le facteur eau qui est le plus inquiétant. Plus de 100 000 litres de pétrole léger se sont déversés dans le lac Mégantic pour poursuivre sa course dans la rivière Chaudière, où s’approvisionnent notamment plusieurs municipalités de la Beauce. La présence d’hydrocarbure qui s’y retrouve a forcément un impact sur les écosystèmes des 120 km de la rivière. «Il est certain que cela contamine la chaine alimentaire, affirme André Bélisle. La vie aquatique, les poissons, les micro-organismes sont tous atteints! Il y a des poissons qui ont été retrouvés morts», affirme-t-il.
M. Bélisle ne peut encore une fois prédire les conséquences à long terme. «Tout dépend de l’intégration du pétrole léger dans la chaine alimentaire. Mais il se peut qu’il y ait des traces dans les générations à venir», indique-t-il. Plusieurs mesures ont été prises par les équipes d’Urgence-environnement afin de réduire les conséquences de ce drame. De nombreuses estacades ont été installées sur la rivière afin de contenir l’essentiel des hydrocarbures. Bien qu’elles soient efficaces, ces mesures sont tout de même insuffisantes. Les villes situées en aval du lac Mégantic, dont Saint-Georges, Sainte-Marie et Lévis, ont dû fermer leur prise d’eau dans la rivière et trouver de nouvelles sources d’approvisionnement. À Lac-Mégantic, le pompage se poursuit afin de récupérer le pétrole déversé.
Ouverture du barrage de Lac-Mégantic
Après la tragédie, le débit du barrage Mégantic a été réduit au minimum, soit à 3,5 m3/s. Toutefois, hier, le ministère de l’Environnement a décidé d’ouvrir celui-ci afin d’abaisser le niveau de l’eau qui devenait trop élevé. Cette décision risque d’affecter de nouveau la rivière.
«Le ministère veut y aller graduellement, explique Claude Poulin, directeur général adjoint de la Ville de Saint-Georges, située à une centaine de kilomètres de Lac-Mégantic. Présentement, le barrage laisserait passer environ 10 m3 à la seconde. Il souhaite atteindre le 25 m3» précise-t-il. M. Poulin ajoute que des experts prennent constamment des échantillons en amont et en aval du barrage à des fins d’analyses. Il ajoute que la Ville de Saint-Georges procède également à ses propres analyses à l’endroit même où elle puise habituellement l’eau dans la rivière Chaudière.