Les algues bleu-vert refont leur apparition à Philipsburg
CYANOBACTÉRIES. Une nappe verte recouvre une partie du lac Champlain, depuis dimanche dernier, à la hauteur du secteur Philipsburg, à Saint-Armand.
«Le phénomène n’est pas nouveau et revient d’année en année, de la fin juillet au début de septembre. Comme le lac est très dégradé, les pluies abondantes et le réchauffement de l’eau attribuable à la hausse des températures stimulent la croissance des algues bleu-vert et entraînent le dégagement des cyanotoxines», indique Johanne Bérubé, directrice générale de l’Organisme de bassin versant de la baie Missisquoi (OBVBM).
Au dire de cette dernière, le lac Selby, à Dunham, vivrait le même problème depuis le début de juillet.
«Les algues bleu-vert sont particulièrement visibles en eau peu profonde, là où on retrouve des murets de béton ou des amoncellements de roc», explique-t-elle.
Selon Mme Bérubé, la municipalité de Venise-en-Québec semble épargnée, mais n’est pas à l’abri pour autant d’un épisode de cyanobactéries.
«L’eau parait claire à cet endroit, mais on signale déjà des algues dans les petites baies. Ce n’est sans doute qu’une question de jours avant que cette municipalité ne soit affectée à son tour», affirme Mme Bérubé.
Les lacs Champlain et Selby figurent parmi les 20 plans d’eau de la Montérégie ayant vécu des problèmes récurrents de cyanobactéries entre 2007 et 2014.
Un sujet de plus en plus tabou?
Depuis la période de ralentissement économique de 2007, l’industrie touristique se fait rassurante et laisse entendre que la présence de cyanobactéries dans les lacs du Québec semble en régression.
«On en parle moins, car ça fait fuir les touristes et les investisseurs», explique la directrice générale de l’OBVBM.
Et depuis 2013, en raison des coûts élevés des échantillonnage des cyanobactéries, le ministère de l’Environnement limite les prises d’échantillons aux lacs frontaliers, aux lacs servant de source d’approvisionnement en eau potable, aux plans d’eau ayant été affectés par la présence de cyanobactéries pour la première fois ou ayant été aux prises avec le phénomène à au moins trois reprises au cours des six dernières années.
«Comme le lac Champlain rencontre plusieurs de ces critères (lac frontalier, source d’approvisionnement en eau potable, fréquence des algues bleu-vert), les gens du ministère se rendent sur place sur simple signalement», précise Mme Bérubé.
Depuis deux ans, le ministère de la Santé et des Services sociaux n’émet plus d’avis pour restriction d’usages lorsque des algues bleu-vert apparaissent à la surface d’un plan d’eau. Il a plutôt recours à une campagne d’information auprès des municipalités riveraines.
«Les municipalités doivent imprimer des posters, les plastifier et les installer elles-mêmes. S’il est vrai que cette façon de faire force les citoyens et les autorités municipales à se responsabiliser, elle présente également certains risques si une municipalité laisse filer trop de temps avant d’aviser sa population», estime Mme Bérubé.
Doit-on désespérer?
Les gouvernements, municipalités, MRC, OBV et syndicats agricoles multiplient les interventions depuis nombre d’années pour contrer le phénomène, mais la bataille n’est pas gagnée d’avance.
«Les producteurs agricoles ont l’impression qu’ils font largement leur part (bandes riveraines, semis directs, etc.) pour protéger l’environnement, mais on ne doit pas oublier que 70 % de la quantité de phosphore présente dans les plans d’eau provient des terres agricoles dans le bassin de la rivière aux Brochets», ajoute la directrice générale de l’OBVBM.
Les MRC adoptent également des règlements de plus en plus sévères pour limiter les dommages causés par l’écoulement des eaux de surface jusque dans les lacs et rivières. La réglementation s’adresse aussi bien aux propriétaires riverains qu’aux entrepreneurs en construction et aux promoteurs immobiliers. Elle prendra effet de façon graduelle jusqu’en 2017.
«Tous ces efforts sont très louables, mais les changements climatique sont là et font leur œuvre. Les fortes précipitations des dix dernières années n’en finissent plus de lessiver les terres et finissent souvent par annuler les efforts du plus grand nombre», poursuit Mme Bérubé.