Un Farnhamien accuse les autorités municipales «d’intransigeance»
DIFFÉREND. Le Farnhamien Bertrand Naud affirme que l’administration Hüsler lui met «des bâtons dans les roues» au lieu de l’aider à relancer sa fromagerie artisanale. Les autorités municipales réfutent ces allégations et soutiennent que le plaignant ne peut poursuivre ses opérations au centre-ville à la suite de la perte de ses droits acquis et de diverses modifications au règlement de zonage.
Bertrand Naud a opéré pendant plusieurs années une petite fromagerie au sous-sol de son immeuble commercial du 346 Principale est. Un permis émis par la municipalité en 2001 l’autorisait à y transformer un million de litres par an.
Le principal intéressé attribue une bonne partie des succès de l’agence immobilière Bélanger-Naud, dont il est copropriétaire, à une entente avec le vignoble La Bauge en vigueur depuis une quinzaine d’années. Le troupeau de chèvres et la fromagerie de M. Naud fournissait au vignoble de Brigham tout le lactosérum nécessaire à la protection de ses plants de vigne. Le courtier immobilier obtenait en retour la permission de faire la promotion de ses produits (propriétés à vendre) auprès de la clientèle de La Bauge.
«Plus de 20 000 touristes fréquentent le vignoble chaque année, ce qui constitue, pour l’agence immobilière, une source d’acheteurs potentiels très intéressante en provenance de l’extérieur de la région», explique M. Naud.
À défaut de pouvoir transformer des produits laitiers au sous-sol de son immeuble du 346 Principale est, M. Naud n’est plus en mesure d’honorer sa part du contrat avec La Bauge et le vignoble se voit privé de son approvisionnement en lactosérum.
«J’ai présentement 120 chèvres en lactation et, par la faute de la Ville, je ne serai pas en mesure de transformer le lait qu’elles produiront», signale le propriétaire, Bertrand Naud.
Formation d’un comité de citoyens
Comme le dossier de la fromagerie accapare toutes ses pensées, Bertrand Naud a jugé bon, à la fin avril, de se départir de son permis d’agent immobilier.
«Je n’abandonne pas le métier de façon définitive. En fait, je compte bien reprendre le travail dès que j’aurai réglé mon différend avec la Ville», affirme-t-il.
Ce dernier soutient qu’il n’est pas en guerre contre la municipalité, mais comprend mal pourquoi les élus refusent de donner suite à ses demandes.
«Il se passe beaucoup de choses à la Ville. Je me pose plein de questions, comme bien d’autres résidants de Farnham. Voilà pourquoi j’entends consacrer les prochaines semaines à la mise sur pied d’un comité de citoyens qui va voir à la défense des intérêts de la population. Le comité n’agira pas de manière agressive, mais gardera le conseil à l’œil et prendra le temps d’écouter ce que les citoyens ont à dire», poursuit M. Naud.
L’ex-courtier immobilier a tenté de gagner à sa cause les membres du conseil en sollicitant une rencontre avec eux et en leur faisant parvenir divers documents écrits.
«Le maire m’a dit qu’il avait arrêté la lecture de ma lettre de 14 pages après la première page», ajoute-t-il, d’un ton indigné.
M. Naud par ailleurs fait parvenir un télégramme au maire et au directeur général de la municipalité, voilà une semaine, les informant qu’il entreprendrait des procédures judiciaires contre eux «dans un avenir rapproché».
«Quel intérêt peut avoir la Ville de Farnham à tenter, par tous les moyens, d’anéantir mon projet de fromagerie», poursuit le plaignant.
La question des droits acquis
À la défense de ses droits, Bertrand Naud soutient que sa fromagerie a multiplié les expériences entre 2008 et 2014 en vue d’améliorer la qualité, la texture et la durée de vie de ses produits à base de lait de chèvre tout en cherchant à améliorer la rentabilité de l’usine. Il appuie ses affirmations sur divers documents (achats, ventes, étude de rentabilité, etc.) transmis à l’Agence du revenu du Canada.
Selon le directeur général de Farnham, François Giasson, les avocats de la municipalité maintiennent que rien, dans les papiers fournis par M. Naud, ne confirme l’existence de droits acquis en matière de transformation de produits laitiers. À ses yeux, la présence d’équipement n’est pas non plus une preuve, le local ayant pu ne servir qu’à des fins d’entreposage.
«Qui plus est, le MAPAQ n’a pas visité les lieux depuis huit ans», ajoute-t-il.
Le directeur général fait également remarquer qu’un droit acquis s’éteint après plus de six mois d’interruption de la production.
M. Giasson précise enfin que le stationnement municipal situé à l’arrière de l’immeuble de M. Naud n’est pas configuré pour un usage commercial.
«Ça prendrait une autorisation du conseil et des travaux pour faciliter la circulation des camions de la fromagerie et garantir la sécurité des autres véhicules qui y sont stationnés», indique-t-il.
En vertu d’une autorisation qui lui avait été accordée en 2001, les camions ont pu accéder à la fromagerie pendant nombre d’années en empruntant un passage situé à l’arrière de l’édifice. Le droit de passage a par la suite été révoqué au grand désappointement de M. Naud.
Position de la municipalité
La Ville de Farnham tient un tout autre langage et laisse entendre que Bertrand Naud serait en quelque sorte victime de ses propres agissements.
Le maire Josef Hüsler affirme que M. Naud a toujours voulu faire les choses à sa façon, sans prendre la peine d’obtenir les permis et autorisations nécessaires à la réfection de son immeuble commercial incendié en février 2008.
«Quand on apporte des modifications à un édifice, ça prend un permis. Les règles s’appliquent pour tout le monde», affirme-t-il.
M. Naud rétorque que des contracteurs ont travaillé à la réfection de l’immeuble du 346 Principale est pendant plusieurs années, au su et à la vue de tout le monde, sans jamais être embêtés.
«S’il est vrai que j’ai fait tant de choses sans permis, la Ville aurait normalement dû me mettre à l’amende», lance-t-il.
Le maire de Farnham ajoute que la Ville a fait ses devoirs en dépêchant sur les lieux son directeur du service d’urbanisme et son directeur du service de sécurité incendie – à la demande de M. Naud – afin d’inspecter un mur de façade présentant des fissures apparentes. Un inspecteur de la Régie du bâtiment du Québec a également participé à la visite du 17 novembre dernier, mais s’est retiré du dossier après avoir obtenu confirmation que l’édifice n’abritait plus aucun commerce.
«M. Naud est allé consulter d’un bord et de l’autre, mais la Ville voulait quelque chose d’écrit. On demandait un rapport d’architecte ou d’ingénieur attestant que le mur de façade et la structure du bâtiment ne représentent aucun danger pour les passants. Si une brique tombe et qu’un citoyen se blesse, c’est la Ville qui sera tenue responsable de l’accident», insiste-t-il.
Le directeur général, François Giasson, abonde dans le même sens…
«La Ville a pris ses responsabilités. On ne peut pas dire qu’elle a fermé les yeux», insiste-t-il.
Las d’attendre une réponse de Bertrand Naud, la municipalité a finalement commandé un rapport d’inspection à l’ingénieur en structure Marcel Leblanc. Le rapport de M. Leblanc, qui fait suite à sa visite du 22 avril dernier, stipule que «les fondations de pierre des champs ne s’affaissent pas dans le sol comme on pourrait le penser à la vue des fissurations dans les parements de maçonnerie… L’étanchéité de l’enveloppe externe laisse à désirer et manque littéralement d’entretien.»
M. Leblanc ajoute que «les étalements de support des solives du toit doivent être refaits (à l’étage dans le local 200) avec une poutre adéquate supportée sur des poteaux convenables (…) avant l’hiver 2015-2016.»
Le directeur du service d’urbanisme accorde au propriétaire de l’immeuble un délai de cinq mois (1er novembre 2015) et prend soin de rappeler qu’un permis avec plans signés et scellés sera requis.