Une spécialiste met en doute l’efficacité des bandes riveraines
Le Québec et le Vermont ont investi plusieurs millions de dollars au cours des dernières années pour limiter la quantité de phosphore dans les plans d’eau et contrer la multiplication des cyanobactéries. Malgré ces efforts, les algues bleues et autres plantes envahissantes sont plus présentes que jamais dans la rivière aux Brochets au grand désespoir des riverains.
«Neuf ans après mon arrivée à Bedford, je constate que la rivière est dans un piètre état. La présence d’un dépôt verdâtre à la surface de l’eau génère des odeurs nauséabondes, enlève tout attrait à la rivière et nuit à son potentiel récréotouristique. On peut également se questionner sur l’utilisation de la rivière comme source d’approvisionnement en eau», affirme Aleksandra Drizo, une experte dans le domaine de la prévention et du contrôle des cyanobactéries qui habite en bordure de la rivière aux Brochets.
Au dire de cette dernière, la présence des algues bleues est non seulement repoussante, mais a des effets désastreux sur la vie marine.
«Les cyanobactéries diminuent la quantité d’oxygène dans l’eau, allant jusqu’à tuer les poissons et à réduire la biodiversité. De plus, certaines espèces rejette des produits chimiques pouvant être toxiques pour les animaux et les humains», ajoute celle qui a travaillé à contrat pour l’Université du Vermont pendant neuf ans et opère maintenant une petite entreprise connue sous le nom de Phosphoreduc.
Tournée des plans d’eau
En apercevant la «purée de pois vert» qui recouvrait la rivière aux Brochets, en août dernier, Aleksandra Drizo a eu tout un choc et a voulu vérifier si le problème était limité au seul secteur de Bedford. Sa tournée du lac Champlain l’a conduite de Swanton (Vermont) à la baie Missisquoi et lui a permis de se faire une meilleure idée de la situation. Elle a ensuite longé la rivière aux Brochets, de Noyan à Pike River, pour finalement en arriver au même constat.
«Malgré les millions de dollars engloutis par les gouvernements du Québec et du Vermont pour contrer la pollution, la situation des plans d’eau de la région semble se détériorer au lieu de s’améliorer. C’est à n’y rien comprendre…», insiste Mme Drizo.
La chercheuse attribue ces problèmes de pollution à la présence de fosses septiques non conformes aux normes gouvernementales et de nombreuses fermes spécialisées dans l’élevage ou les grandes cultures aux abords des plans d’eau.
Elle affirme par ailleurs que les méthodes mises de l’avant par les gouvernements pour réduire la présence de phosphore dans l’eau en milieu agricole n’ont pas donné les résultats espérés.
«Les fermiers ont reçu 675 $ / hectare pendant deux ans, pour l’aménagement de bandes riveraines, dans le cadre d’un projet pilote visant à contrer la pollution des plans d’eau. Si la plantation d’arbres et arbustes contribue à prévenir l’érosion et le ruissellement de l’eau, il est permis de se questionner sur l’efficacité de cette méthode au niveau de la lutte contre la pollution. Ça fait beaucoup d’argent pour une réduction en phosphore de 18 % et moins», signale Mme Drizo.
Cette dernière rappelle que le projet pilote de bandes riveraines dans les Cantons-de-l’Est remonte à 2007-2008 et 2008-2009. Les plantations auraient aujourd’hui cinq ans.
La Bedfordoise d’adoption émet également des réserves à l’endroit des autres méthodes proposées par Québec (mise en place de WASCOB dans les fossés, installation de clôtures limitant l’accès du bétail aux plans d’eau, etc.) pour contrôler la pollution en milieu agricole.